On est de plus en plus désemparé devant des comportements, des paroles, des gestes que seuls des élans de l'inconscience peuvent expliquer. D'incroyables justifications sont toujours données par une panoplie d'Algériens avec une conviction indémontable dépassant l'entendement. L'illogique devient logique pour instaurer une culture désaxée transformant l'idiotie en raison et le civisme en incivisme décapant. Tout y est dans un espace public déroutant jusqu'à ne plus chercher à comprendre l'incompréhensible. Dans la vie quotidienne l'anormalité s'étend, chassant la civilité nécessaire à une solide assise pour la vie en commun. Faute de mieux et de plus intelligent, le sans-gêne caractérisé serait un plaisir à savourer avec la certitude d'être une contenance à la limite de la débilité pour manifester une présence parfois dangereuse dans son exposé. L'affirmation de soi utilise les ingrédients presque identiques à des vomissures quand le manque de savoir-vivre reste le seul atout sans que l'on se rende compte que dans ce curieux voyage, l'effacement des autres est un effacement de soi.

Pourtant et le plus souvent, la commodité citoyenne ne tient qu'à de menus détails, mais si importants qu'ils conditionnent les humeurs et transmuent les moindres humaines dispositions avenantes. La main en permanence sur le klaxon sans motif solvable, des stationnements sans gêne à l'emporte-pièces et de multitudes désagréments et de comportements désagréables affichés tels des emblèmes d'une curieuse et nouvelle civilisation venue on ne sait d'où.

Le danger est que le dérèglement social a fini par s'incruster en profondeur au sein des générations montantes et dans les familles, en invitant souvent à se demander où réside la légitimité dans l'ensemble des articulations de la société. La sociologie, la politique, la psychanalyse et peut-être même la psychiatrie auraient du pain sur la planche à décortiquer des grands faits et des petits événements pour trouver un fil conducteur pour expliquer des comportements illogiques.

Déduction faite, il semble que ces décrochages intempestifs humains ne seraient qu'une maladive volonté de se suspendre à des droits étroits quand les vrais droits sont inabordables.

Si ce phénomène laisse sous-entendre des étapes historiques dramatiques vécues par la société algérienne, où s'étaient mêlés colonialisme, guerres, famines et misères, il reste inconcevable pour un peuple, qui dit s'orienter vers une Algérie nouvelle, de se laisser emporter par une culture désagrégeante.