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SANG ET SUEUR FACE A LA PROSTERNATION

par Abdou BENABBOU

Quelles que soient les sentences infligées à la fratrie des Kouninef, ce sont des vies qui seront totalement désintégrées. Petits dieux dans leurs genres, l'ivresse procurée par l'argent et la conviction des impunités ont eu raison d'une certitude l'ayant conduite à élaborer elle-même sa dramatique déconfiture. Les Kouninef sont sous la même enseigne que les Sellal, Ouyahia, Ould Abbes et leurs semblables s'étant laissés emportés par la prosternation, un moment rentable, aux pieds d'une autre famille féodale dont les membres se prenaient pour des Césars. Ils ignoraient que César en personne a fini assassiné. Les destinées sont souvent ainsi. Plus on s'élève dans la hiérarchie sociale, plus elles provoquent la tentation des déviations désastreuses.

Devant de tels drames familiaux, et face à tels douloureux grands spectacles, on peut se laisser toucher par un clin d'œil de la magnanimité et se dire que les faiblesses humaines, petites ou grandes, sont pardonnables, et s'en remettre à la justice des cieux. Mais il est évident que le peuple ne pardonnera pas car il s'agit de son sang et sa sueur qui ont été sucés. Au stade actuel des péripéties judiciaires, il est illusoire d'imaginer une jetée d'une quelconque poudre aux yeux par les autorités pour induire en erreur l'opinion publique.

Il restera, cependant, le bon vouloir du pouvoir qui, lui, s'en remet à d'autres considérations. Par le passé, un ancien président de la République a eu à triturer son arme amnistiante, sous prétexte que ceux qui ont bénéficié de sa miséricorde étaient des anciens de l'ALN, mais aujourd'hui, les données ne sont plus les mêmes. Les lourdes sentences infligées à d'anciennes carrures royales et la rapidité des jugements indiquent, pour le moment, une volonté présidentielle d'asseoir une légitimité sur une justice voulue impartiale. L'entreprise n'est pas sans faille car en vérité, plus que le jugement de l'imbécillité de magnats et de la cupidité sans limite de grands responsables hier encore intouchables, il s'agit d'enfoncer au cœur des prétoires des gouvernances catastrophiques.