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Boomerang

par Mahdi Boukhalfa

Ce qui était dans l'air a fini par éclater au grand jour avec l'affaire de l'ex-ministre de la Défense Khaled Nezzar, actuellement en fuite à l'étranger. Et l'information a de quoi étonner, sinon ébranler les plus sincères convictions quant à la crédibilité de beaucoup d'anciens responsables. La poursuite en justice de Khaled Nezzar, si elle étonne plus ou moins dans certains milieux, elle n'en révèle pas moins qu'il y a eu toujours dans l'underground de la politique et de la gestion des biens du pays des choses, des comportements et des attitudes pas vraiment beaux à voir, ni à respecter. Que d'anciens responsables, des ministres de surcroît, soient accusés de vols et détournements de biens publics et d'autres, qui n'ont aucun souci financier pour eux et leur progéniture, pour tentative de déstabilisation du pays et sa sécurité, est la dernière chose que le simple citoyen, celui qui se lève tôt le matin pour assurer le service public, ne comprendra jamais.

Quelle époque ! Tout le système de gouvernance qui a prévalu jusque-là depuis au moins une vingtaine d'années est en train de s'écrouler comme un château de cartes et ses hommes voués aux pires sentences judiciaires. Une image déshonorante pour un pays, qui se réclame de ses martyrs de la révolution, qui est ainsi offerte à l'opinion publique nationale et internationale. Comme les procès et les arrestations d'anciens responsables montrent à quel point de pourrissement était arrivé le système de gouvernance durant ces 20 dernières années. Et, dans ce panier à surprises, il est patent de constater que ceux qui se sont illustrés comme de grands donneurs de leçons de probité et de bonne gestion au peuple sont ceux-là mêmes qui ont aujourd'hui quelques motifs d'inquiétude. Et toute cette écume politique qui remonte des profondeurs d'une gestion plus que douteuse des affaires du pays n'est pas belle à voir.

Et, dans la foulée de cet autre scandale politique, les faits reprochés à l'ancien ministre de la Défense sont graves, car ils peuvent le mener vers la peine de mort, en vertu des articles 77 et 78 du code pénal, ainsi que de l'article 284 du code de justice militaire. Quel terrible sort frappe-t-il les anciens responsables, d'ex-ministres de la République, dont certains sont actuellement en prison, notamment deux Premiers ministres ? Et, plus important, la poursuite en justice de l'ancien ministre de la Défense est une décision extrêmement délicate, une décision impensable il y a quelques mois. Les faits qui sont reprochés à Khaled Nezzar seraient liés à la sécurité même du pays, ce qui renvoie automatiquement aux raisons de l'arrestation des deux ex-chefs de la sécurité militaire et leur relation avec les chefs d'accusation à l'encontre de l'ex-ministre de la Défense.

Un fait est certain : la justice, militaire et civile, a franchi un nouveau pas ces derniers jours dans la poursuite et le jugement de tous les responsables au plus haut niveau, qui ont confondu entre leurs intérêts et ceux de la nation. Pour autant, ces affaires restent anecdotiques dans la situation actuelle du pays, tant qu'il n'y a pas d'avancée dans la résolution de l'impasse politique et la mise en place d'une vraie feuille de route de sortie de crise.