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Echec annoncé

par Mahdi Boukhalfa

L'intrusion du chef d'état-major de l'ANP Gaïd Salah dans les prérogatives pas clairement définies d'un fragile panel de dialogue national a provoqué une grande stupeur dans les milieux politiques. Comme a rappelé un peu trop brusquement que l'ANP reste, quelque part, un interlocuteur dans tout ce qui se fait et se conçoit pour l'avenir, de surcroît politique, du pays. L'ANP a montré, à travers la sommation de Gaïd Salah aux membres du panel qu'ils doivent se focaliser sur leur mission, c'est-à-dire organiser un dialogue national devant déboucher sur un consensus général plébiscitant une sortie de crise via des élections présidentielles, qu'il y a des lignes rouges, une sorte de ligne de démarcation que personne n'est autorisé à franchir.

Ce rappel à l'ordre solennel en plein débat actuel qui taraude le microcosme politique algérois, celui de faire ou ne pas faire partie du panel de dialogue, donne des éclairages inquiétants qu'au sommet de l'Etat les choses ne sont pas, cependant, tranchées. L'intervention de Gaïd Salah a étonné ainsi les observateurs qui, aussitôt son communiqué tombé dans les salles de rédaction, se sont posé deux questions : à quoi sert Bensalah et que va-t-il faire ? La réponse à ces deux questions devrait venir ce jeudi, une semaine après l'installation du panel, quant à l'avenir de cette instance, après la démission d'un de ses membres et les déclarations sibyllines de son coordinateur Karim Younès qui a laissé entendre que cette instance pourrait s'autodissoudre si ses revendications relatives aux mesures d'apaisement ne sont pas satisfaites.

Beaucoup ont en effet estimé que les propos de M. Gaïd Salah ont tout simplement torpillé le panel et lui ont rappelé en quelque sorte que sa mission est d'éviter l'impasse politique au pays et le mener en urgence vers une élection présidentielle. En cela, le panel et les personnalités qui le composent ont été recadrés et, pis, mis sous pression par l'armée qui ne veut pas qu'on lui dicte des ordres et des mesures à prendre qui relèvent de ses prérogatives, en particulier dans le domaine de la sécurité des personnes et des biens. Dans la foulée, c'est surtout Abdelkader Bensalah qui reçoit, lui également, de plein fouet la volée de bois, car il est, sur le plan constitutionnel, le chef de l'Etat. Et donc il lui appartient de bien gérer la délicate période politique actuelle, de ne pas trop exacerber le fragile équilibre des forces en présence, de rester à équidistance de ces centres de production de propositions et contre-propositions de sortie de crise, et rester au-dessus de la mêlée, de la gérer.

Le coup de grisou de mardi et le rappel à l'ordre au panel quant aux mesures d'apaisement qu'il a mises au-devant de toute entame du dialogue national ont violemment changé la donne. Au point que des interrogations se posent sur l'enjeu réel et les objectifs que le pouvoir veut vraiment assigner à ce panel et, au-delà, la crédibilité de Bensalah dans la conduite des grands dossiers politiques de sortie de crise. En gardant le silence jusqu'à présent sur sa réponse aux mesures d'apaisement demandées par le panel de dialogue national et, plus que tout, par rapport à la dernière sortie du chef d'état-major de l'ANP, le chef de l'Etat a montré qu'il n'a pas réellement toutes ses coudées franches. Et que le processus politique de sortie de crise qu'il veut mettre en place est voué fatalement à l'échec.