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Le ghetto économique

par Mahdi Boukhalfa

Au moment où les warnings se multiplient sur la santé de l'économie nationale, l'attention de l'opinion publique comme celle des politiques reste rivée sur la prochaine élection présidentielle.

Le rapport de la Coface sur l'économie algérienne n'est pas rassurant, même s'il confirme que le creux de la vague n'est pas encore atteint, ce qui devrait inciter le prochain gouvernement à plus de prudence mais également à plus d'imagination et de courage dans la gestion de la crise. Car ce qui est important dans ce rapport de la Coface -et qui a été déjà signalé par le FMI et la Banque mondiale- est que l'économie algérienne reste encore trop dépendante de son pétrole, en dépit des fanfaronnades du gouvernement sur la diversification des exportations.

Or, si les perspectives pour 2019 sont globalement bonnes pour les pays exportateurs, avec un prix moyen du baril autour de 60 dollars, cela n'est pas le cas pour l'Algérie. En cause, ses champs pétroliers qui arrivent à maturité, et surtout ses capacités de production ne lui permettent pas pour le moment de concrétiser son quota de production accordé dans le cadre de l'accord global de réduction de la production des pays Opep et non Opep.

En clair, l'économie algérienne est devant un cruel dilemme : au moment où les cours sont au beau fixe, la production nationale ne peut avoir ce coup de rein nécessaire pour gagner des points et exporter au plus fort de ses capacités de production. Or, la baisse des recettes pétrolières se répercute directement sur les finances du pays à un moment où le financement non conventionnel est devenu une panacée contre la brusque baisse des recettes pétrolières et la hausse importante de la demande sociale, ce qui, en l'espèce, provoque autant l'augmentation de la facture des importations que des transferts sociaux.

La situation est fatalement précaire, même si le Premier ministre Ahmed Ouyahia rassure sur les capacités du pays, c'est-à-dire de l'économie nationale, à supporter encore le fardeau de la crise financière. Certes, il est dans son rôle de délivrer un tel message rassurant à un moment crucial de la préparation de la prochaine élection présidentielle, mais au fond il sait pertinemment que sans le recours à la planche à billets le système s'effondrerait, avec une crise systémique, et qu'il faudrait dès lors passer par l'intervention urgente du FMI.

Les remarques de la Coface sont justes et équilibrées, d'autant que l'organisme des assurances-crédits français n'a pas fait dans l'alarmisme, mais juste pointé du doigt les secteurs vulnérables de l'économie algérienne. Or, le gouvernement le sait, l'élection présidentielle risque de faire l'impasse sur cette réalité économique inquiétante, même si la loi de finances 2019 a été concoctée en fonction de cette baisse alarmante des recettes pétrolières et la hausse des importations du fait des faibles capacités nationales à l'exportation.

En clair, les grands indicateurs de l'économie nationale ont un besoin urgent de toilettage, en particulier une plus grande maîtrise des déficits ainsi qu'une gestion encore plus rigoureuse des finances publiques, en attendant que l'économie nationale sorte du ghetto et du piège du tout pétrole. Un objectif que devraient prendre en compte les candidats à cette présidentielle.