Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Communion

par Mahdi Boukhalfa

Cela a été bien compris et le devrait pour longtemps. L'Algérie, hier montrée du doigt, injustement d'ailleurs, pour «son intolérance» envers les autres religions, a prouvé qu'elle reste toujours un pays d'accueil pour toutes les religions révélées. La cérémonie de béatification de 19 religieux assassinés par les terroristes, dont Pierre Claverie, évêque et une des personnalités religieuses d'Oran, ou les sept moines trappistes de Tibhirine, a réconcilié non seulement les Algériens avec leur passé, mais surtout avec leur religion, faite de tolérance, de partage et de compassion.

Que le Saint-Siège ait accepté d'organiser la béatification de ces religieux en Algérie montre également que les blessures de dix ans de terrorisme, de négation de l'humain, de l'assassinat des religieux et des imams se sont cautérisées. Mais, par-dessus tout, le rassemblement samedi au mont Murdjadjo de la ville d'Oran de communautés religieuses, de familles, parents et représentants de l'Eglise est un signal fort que l'Algérie a réussi à exorciser le mal du terrorisme et qu'elle a, plus que toute autre victoire sur l'adversité des «qui tue qui», pu avoir cette main tendue du Saint-Siège vers les hommes de religion, qu'ils soient musulmans, catholiques et autres. C'est tout naturellement que le pape François ait relevé que «cette célébration aide à panser les blessures du passé et crée une dynamique nouvelle de la rencontre et du vivre ensemble à la suite de nos bienheureux».

Le pape ajoute dans son message à la suite de cette béatification qu»'en faisant mémoire de la mort de ces 19 victimes chrétiennes, les catholiques d'Algérie et du monde veulent célébrer la fidélité de ces martyrs au projet de paix que Dieu inspire à tous les hommes». «Ils veulent, en même temps, prendre dans leur prière tous les fils et filles de l'Algérie qui ont été, comme eux, victimes de la même violence».

De telles paroles ne peuvent que refléter une grande compassion du Saint-Siège aux souffrances du peuple algérien, dont faisaient partie ces hommes de religion qui avaient décidé de rester dans leur pays, de rester aux côtés de leurs «ouailles», algériennes ou d'autres nationalités. Le message du pape est gratifiant pour l'Algérie et célèbre une certaine reconnaissance des sacrifices et des souffrances souvent marginalisées, sinon oubliées par la communauté internationale, des Algériens pour vaincre le mal du terrorisme et reconstruire leur pays sur les fondements de la tolérance, l'humanisme, le vivre ensemble en paix. Et, lors de cette solennelle cérémonie de béatification, il y avait beaucoup d'émotion, de rapprochement, de complicité entre les religieux, lorsque le père Thierry Becker, curé d'Oran, a chanté en arabe une prière à la Vierge Marie.

«Nous ne voulions pas d'une béatification entre chrétiens, car ces frères et sœurs sont morts au milieu de dizaines et dizaines de milliers d'Algériens» musulmans, a rappelé l'archevêque d'Alger, Mgr Paul Desfarges. Pour autant, le devoir de mémoire envers ces «bienheureux» a encore des chapitres à conquérir, de lutte contre l'intolérance et, surtout, de restitution à l'Algérie de ses vérités, celles d'un pays qui a toujours été ouvert aux trois religions révélées, qui les a défendues et qui les défendra toujours. Sa Constitution garantit d'ailleurs la liberté du culte et le défend. Le pays, lui, a été de tout temps une terre d'accueil pour les communautés religieuses autres que musulmanes. Le triste épisode de la décennie noire est derrière nous, mais il a laissé des blessures qui sont en train d'être cautérisées par tous ceux qui l'ont vécu, sans discernement de religion.