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Vivement décembre

par Mahdi Boukhalfa

Des experts pétroliers n'hésitent plus à tabler sur un prix du baril de pétrole à 90-100 dollars d'ici à la fin de l'année. Une évolution extrêmement importante des niveaux de prix par rapport à ceux d'aujourd'hui et d'il y a une année, avec un seuil psychologique de 60 dollars difficilement maintenu. Les données géopolitiques ont changé, Donald Trump en est un des acteurs clés, et font que le pessimisme ambiant au sein des pays exportateurs de pétrole est en train de se dissiper progressivement. Non pas que la croissance économique mondiale ait progressé de manière significative, les économies les plus dynamiques comme celle de l'Allemagne n'ayant pas évolué de plus de 3 points de base, mais plutôt à cause de l'inconstance de la diplomatie américaine, imprévisible, franchement agressive.

En se retirant de l'accord sur le nucléaire iranien, le président Trump a fait faux bond à ses alliés européens, décrétant en même temps des sanctions économiques injustes et irresponsables contre Téhéran. Une manière de gérer le délicat dossier des longues relations conflictuelles entre les deux pays, qui fait peur aux salles de marchés, qui nuit à la croissance économique mondiale et perturbe les grands équilibres géopolitiques dans ce que l'Occident appelle l'Orient. En voulant donner un coup de pouce à ses alliés de la région, l'Arabie Saoudite et Israël, Trump a donc décidé de trancher dans le vif en décrétant des sanctions économiques contre l'Iran qui voit ses exportations de pétrole frappées d'interdit.

Le résultat est que, pour les traders sur les salles de marchés, le prix de l'or noir va grimper tout simplement parce que entre 2 à 3 mbj de pétrole vont être retirés du jour au lendemain du marché, au moment où la reprise économique commence à pointer du nez dans de nombreux pays gros consommateurs de pétrole, notamment en Asie du Sud-Est. Certes, la Corée du Sud, bon élève de Washington, a déjà mis fin à ses programmes d'importation de pétrole d'Iran, mais fatalement va tomber dans les bras d'un autre pays producteur membre de l'Opep. Des experts prédisent déjà une remontée très rapide des cours du pétrole, non seulement à cause des sanctions économiques contre l'Iran et l'incapacité de Caracas, en pleine déroute économique et politique, à produire plus de 1 mbj, mais surtout par les interventions intempestives et arrogantes du président américain. En voulant un pétrole moins cher pour compenser l'insuffisance de la production locale de pétrole de schiste, mais en écartant du marché le troisième producteur de l'Opep, il est en train de concrétiser d'une manière tout à fait magistrale tous les objectifs des pays exportateurs, une remontée rapide et substantielle des prix de pétrole.

Beaucoup attribuent cette embellie des cours à une cohésion jamais atteinte entre pays producteurs membres et non membres de l'Opep, ce qui est déjà en soi une grande victoire. En outre, le fait que la Russie se range du côté des pays Opep est également une nouvelle donne des équilibres géostratégiques qui sont en train de se former dans le monde, notamment au niveau économique et militaire, depuis l'arrivée de Trump à la Maison Blanche. Que la Russie poutinienne devienne un allié de premier rang de l'Opep, dont fait partie l'Arabie Saoudite, un allié traditionnel de Washington, est une bonne chose pour tous. Mais que la Russie, deuxième producteur mondial de brut devant les Etats-Unis, prend fait et cause pour l'Opep et défie menaces et intimidations de Washington, est une autre bonne nouvelle qu'il faut saluer. Maintenant, il reste à espérer que cette coopération ne soit ni conjoncturelle ni liée à des objectifs géopolitiques limités dans le temps.