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Dixit la Banque mondiale

par Mahdi Boukhalfa

Selon la Banque mondiale, l'Algérie a bien fait de recourir au financement non conventionnel. Et, surtout, tacle le FMI en relevant que le pays n'a pas besoin de recourir aux emprunts internationaux pour financer son économie, ses investissements. Si la BM à travers son vice-président Afrique et Moyen-Orient estime que l'Algérie n'avait donc pas besoin d'aller s'endetter pour irriguer ses finances, encourage fortement par contre les responsables algériens à développer davantage le secteur privé, lui enlever les brides qui le retiennent et, surtout, ne le bloquent pas. Car la dépendance aux hydrocarbures, et là c'est plus un conseil, un avertissement qu'un simple constat d'un missionnaire de la Banque mondiale, est suicidaire et ne peut mener qu'à une impasse désastreuse. Pis, «cette focalisation sur les hydrocarbures n'est pas porteuse d'avenir» et l'Algérie ferait mieux donc de concrétiser ses éternels appels à une diversification de son économie.

La grande leçon venue de Washington est que l'économie algérienne ne s'appuie pas beaucoup sur le secteur privé et reste engluée dans ses vieux réflexes de protection d'un secteur public qui a rendu l'âme il y a bien longtemps avec son inefficacité à impulser la moindre croissance économique. Et l'institution de Bretton Woods, même en des termes qui satisfont les politiques et les responsables à Alger, conseille fortement au gouvernement de prêter main-forte au secteur privé, de le soutenir et de lui baliser la voie, car ce sont bien les investissements du secteur privé qui sont capables, s'ils sont bien gérés et orientés, de donner un coup de fouet à l'économie algérienne. C'est une évidence même, du moment que le pays a laissé il y a un peu plus de 30 ans la voie de gauche, celle de l'économie socialiste, pour emprunter la voie de droite et aller s'exercer à mettre en place une économie libérale sur les ruines du socialisme d'Etat. Mais, en 2018, le pays se retrouve une fois encore otage de son secteur énergétique, n'ayant que très peu d'entreprises privées d'importance et un secteur public incapable de provoquer le déclic de la croissance économique.

Retour donc brutal dans la même posture que celle des années 1990, avec peu de liquidités bancaires et des avoirs extérieurs rongés inexorablement par une boulimie importatrice peu regardante à la dépense. C'est bien donc que la Banque mondiale donne des «bons points» au recours au financement non conventionnel, caresse dans le sens du poil une politique financière sans «issue de secours», des réformes sans visibilité à moyen terme et, surtout, ménage le pays plus pour des considérations géopolitiques que techniques. Car tout le monde sait, et surtout la Banque mondiale, que le recours à l'endettement extérieur exige des conditions draconiennes, la mise en place de réformes dures et souvent inhumaines, mais, au final, avec des sacrifices, l'issue ne sera que positive. Il y aura des larmes, de la sueur, de la colère, mais bien conduites, des réformes économiques profondes, qui feront que le pays n'aura plus besoin de s'appuyer sur son pétrole pour subvenir à son développement, sont la seule solution à l'impasse financière actuelle.

C'est un passage obligé, un virage stratégique à prendre. Il n'a pas été pris, tant pis ou tant mieux, mais dans tous les cas de figure l'économie nationale au stade actuel est incapable de fournir au pays les 80% de ce qu'il consomme. Et reste pathétiquement dépendante de ses hydrocarbures. La décision du recours à «la planche à billets» a été politique et ses effets ne le seront pas, car ils vont fatalement impacter violemment le front social et emporter comme un raz de marée les fondamentaux économiques.