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La désillusion

par Mahdi Boukhalfa

Les chiffres sont implacables et sont plus expressifs que tous les discours. Le gouvernement, et en particulier l'actuel ministre du Commerce, devrait expliquer aux Algériens les raisons de l'échec, devenu patent, de la politique industrielle relative au montage de véhicules. Si au départ, à la fin de 2016, il était alors question d'un projet de création d'une vraie industrie automobile, même avec le passage obligé du CKD et du montage en kits importés des usines-mères, aujourd'hui il est regrettable de constater que cette idée stimulante pour l'industrie algérienne, qui a un terrible besoin d'un solide environnement de sous-traitance, est en train de se flétrir. Et de montrer, une fois encore, que les projets mort-nés sont légion en Algérie.

La fin du système Fifo (premier arrivé, premier servi), puis des licences d'importation pour les véhicules, avec des factures qui tournaient annuellement autour des 4 à 5 milliards de dollars, a donné l'espoir, après le virage financier de 2014 consécutif à la chute des cours de l'or noir, qu'un nouvel élan industriel était en train de naître. Ou plutôt en train de renaître, car jusqu'en 1974 l'Algérie produisait encore des modèles de voitures des constructeurs Peugeot et Renault. Si l'idée était à encourager et avait donné bien des espoirs quant à la renaissance de l'industrie automobile, et surtout de la remise « en forme » des ateliers de construction de véhicules lourds et de transport de personnes, il y avait en parallèle cet immense espoir que la reprise du secteur de la sous-traitance automobile allait de son côté fouetter le marché du travail et apporter sur place pièces détachées et main-d'œuvre qualifiée aux constructeurs automobiles, qui ont fait le choix de s'installer sur le marché algérien, avec des partenaires locaux selon la règle des 51/49%.

Mais, au vu des chiffres de l'année 2017 et du premier semestre 2018, il est évident que bien des espoirs sont en train de partir en fumée concernant ce projet de mise en place d'une industrie automobile dans le pays. Avec les déboires du second constructeur français Peugeot, qui n'arrive pas à concrétiser son projet pour de sombres raisons, il est permis de douter, sinon de remettre en question cette volonté de l'Etat d'asseoir une industrie automobile, quoi qu'en dise le ministre de l'Industrie. Sinon comment expliquer que les importations de voitures en CKD/SKD soient en hausse constante avec, fatalement, un gonflement de la facture d'importation, alors que l'objectif au départ était de fabriquer progressivement l'ensemble des organes de voitures sur place, avec un taux d'intégration de plus de 35% dans les cinq ans suivant la signature de contrat ?

Toutes les données chiffrées de cette industrie du montage automobile prouvent tout le contraire de ce qu'avait prévu le gouvernement, c'est-à-dire un mouvement tous azimuts vers le tout-importation de véhicules en pièces détachées et souvent il n'y a que l'assemblage primaire de capots et de portières. Quant à une industrie de l'automobile qui monte en cadence, avec la mise en place d'un dynamique environnement de sous-traitants, elle reste pour le moment absente, pour ne pas dire inexistante. Entre-temps, la facture des importations des collections CKD/SKD a dépassé les deux milliards de dollars en 2017 et le sera encore plus en 2018, alors que les prix de ces véhicules ont augmenté de plus de 150% pour la plupart des modèles entre 2016 et 2018. Alors question : qui profite le plus de l'industrie du montage, l'Etat et à travers lui l'économie nationale ou les concessionnaires et leurs associés européens ?