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Démagogies urbaines

par Mahdi Boukhalfa

La crise du logement, loin des déclarations triomphalistes officielles, demeure chronique. En dépit d'un programme de réalisation de plus de 200.000 logements/an, la crise est toujours présente. En particulier par la faute d'une gestion en trompe-l'œil d'un secteur qui attire toutes les convoitises, dont le blanchiment d'argent. Plusieurs manifestations de protestation organisées ces derniers jours à travers le pays pour revendiquer un «toit» remettent au goût du jour la politique sociale du gouvernement. Ce ras-le-bol exprime une problématique sociale que le gouvernement actuel, autant que ses prédécesseurs, aura du mal à gérer. D'autant que le marché locatif en particulier et le marché immobilier en général sont devenus le terreau d'une grave dérive, du blanchiment d'argent aux trafics en tous genres.

Le dernier rapport de l'association nationale des agences immobilières est alarmant et pointe du doigt une gestion tellement opaque de l'immobilier qu'il est devenu hors de tout contrôle des organismes étatiques. La crise du logement, avec ses corolaires la spéculation immobilière et foncière, est aujourd'hui encore plus importante que jamais, et pour longtemps, tant que le gouvernement ne met pas en place les vraies solutions, les vrais mécanismes pour une gestion rationnelle d'une demande «maîtrisable» dans le temps. Mais sans démagogie. Car les manifestations de protestation d'exclus de listes de bénéficiaires de logements à Adrar, Béchar ou à Draria (Alger) où il y a eu intervention des forces de l'ordre lundi ne sont que l'expression d'une profonde crise urbaine. Et que la distribution de logements avec une grande couverture médiatique ne peut vaincre ni résoudre.

Il y a deux ans, l'ex-ministre de l'Habitat, devenu ensuite Premier ministre, M. Abdelmadjid Tebboune, avait annoncé le plus sérieusement du monde que la crise du logement sera vaincue en 2018. L'ex-ministre de l'Habitat Tebboune avait assuré les Algériens qu'avec les programmes en cours de réalisation, ils seront tous logés à cette date. C'est à se demander si les responsables, à quelque niveau qu'ils soient, dès qu'ils occupent un poste au gouvernement connaissent vraiment la réalité des choses ou s'ils ne se sont pas tout simplement déconnectés de la réalité de tous les jours. L'année 2018 est largement entamée et les manifestations de protestation pour l'attribution de logements sont toujours là.

Si l'on excepte l'actuel exécutif qui, lui, force trop sur un alarmisme déplacé, tous les gouvernements depuis 2000 ont usé à l'envi d'artifices pour camoufler une profonde crise du logement qui a servi d'alibi politique pour faire taire un front social las de promesses non tenues. Car le problème majeur de la politique nationale de l'habitat est que l'immobilier public est accessible au moindre coût, souvent avec un simple loyer, quand ailleurs la politique sociale du logement ne profite qu'aux vrais «démunis». A partir de là, il ne faut pas s'étonner de voir émerger un marché de l'immobilier mangé par la spéculation, ni d'être confronté à une crise sociale alimentée par l'absence d'une vraie politique de la ville.