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Cafouillages

par Mahdi Boukhalfa

L'été 2018 serait celui des rumeurs, des cafouillages et une terrible indécision du gouvernement sur des questions sociales essentielles pour l'opinion publique. Il y a d'abord cette énigmatique valse de responsables de services de sécurité, qui n'a donné lieu à aucune communication, ensuite cette reprise sur la pointe des pieds de l'activité des médecins résidents, après huit mois de grève, et qui n'a pas suscité une quelconque réaction du ministre en charge du secteur, du moins du gouvernement. Cette absence de communication, de réaction du gouvernement face à une crise de gouvernance majeure dans le secteur de la Santé serait à tout le moins le signe évident que les fractures sociales les plus extrêmes ne sont plus une priorité dans le contexte politique actuel.

Du moins, le gouvernement agit et organise ses actions les plus urgentes par rapport à une petite feuille de route où les débrayages les moins coûteux socialement ne sont pas une priorité absolue à solutionner par des moyens démocratiques. Par contre, toute velléité de porter la contestation dans la rue a été sévèrement réprimée, un avertissement à peu de frais du gouvernement à tous ceux tentés de sortir dans la rue exprimer le marasme social ambiant. Les médecins résidents ont repris le travail malgré eux, abandonnant en cours de route leurs revendications, sans doute trahis par des promesses de dialogue non tenues par le ministre. Un défaut de gouvernance de plus auquel l'exécutif doit trouver une solution, sinon un règlement qui remette le secteur de la Santé sur les rails. Et ce n'est pas la moindre des préoccupations actuelles du gouvernement Ouyahia, empêtré dans les rets de la sempiternelle question d'abandon ou pas du système des subventions.

Certes, la situation financière du pays appelle à plus de solidarité et de bonne gestion des deniers publics, en particulier de l'enveloppe des transferts sociaux, et la démarche adoptée par le gouvernement, si elle ne rassemble pas les avis de tous les experts, est au moins créditée de bonnes intentions, celles de limiter les déficits financiers et de trouver des niches où l'on peut économiser un budget de presque 20 milliards de dollars affecté en 2018 aux transferts sociaux. Mais, si l'opération est utile sur le plan économique, il ne faut pas, par contre, qu'elle soit polluée par l'agenda politique du gouvernement. L'élection présidentielle de 2019 ne doit pas empiéter ni retarder des réformes, si elles s'imposent comme l'affirme M. Ouyahia depuis son retour aux affaires, pour remettre de l'ordre dans l'économie nationale. Autrement, cela ne sert qu'à inquiéter et faire peur à l'opinion publique, aux électeurs d'agiter l'épouvantail d'un abandon progressif de la subvention des produits de consommation de base et de le remiser au placard pour cause d'élection présidentielle.

Cela n'a aucun sens, tout comme cette frilosité de la diplomatie algérienne devant une posture pour le moins agressive de l'UE sur la question des visas vis-à-vis des demandeurs algériens. Les explications du ministre des Affaires étrangères sur les soudaines mesures de restriction d'octroi de visas aux Algériens ne sont pas convaincantes. Pis, elles expriment un désarroi des autorités face à une situation inédite, et le fait que le ministre parle de «dignité» des Algériens et de «dépassements» est une reconnaissance explicite que les relations entre Alger et Bruxelles traversent une zone de turbulences. D'autant qu'en matière de politique étrangère, ce n'est pas l'exécutif qui gère, mais le président Bouteflika en personne. D'où ces tiraillements et ces hésitations sur un dossier sensible, celui de la libre circulation des personnes, un des volets les plus importants des accords entre Alger et l'UE.