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Malaise

par Mahdi Boukhalfa

Y a-t-il un malaise entre Alger et Bruxelles ? A entendre les propos du ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, il n'y a rien d'anormal à l'état des relations entre les deux parties. Pour autant, les observateurs ont remarqué un changement subit et inexpliqué du comportement de certains pays européens, France et Espagne en tête, après les dernières mesures au printemps dernier du gouvernement relatives au gel de l'importation de plus de 877 produits, la plupart en provenance de pays européens.

Alger, qui a vu ses recettes pétrolières diminuer de plus de la moitié en 2017, avait en effet imposé des restrictions draconiennes à l'importation de produits secondaires ou de luxe qui ne rentrent pas directement dans les besoins de l'appareil de production ou qui ne sont pas prioritaires. Madrid, qui a dépêché la semaine dernière son ministre de l'Intérieur sur la question migratoire, est le premier pays européen à avoir durci les mesures de délivrance de visas aux Algériens. Paris a également adopté la même posture et revu les conditions d'octroi de visas aux Algériens, mettant fin aux «privilèges» accordés à certaines catégories socioprofessionnelles.

On se rappelle que l'UE, par la voie de la commissaire au commerce Cecilia Malmström, avait réagi avec une rare virulence aux nouvelles mesures d'encadrement du commerce extérieur, mises en place par Alger pour atténuer les effets des importations non prioritaires sur sa balance des paiements. «Beaucoup des choses qu'ils font ne sont pas en conformité avec l'accord que nous avons», avait affirmé au mois d'avril dernier la commissaire européenne devant des parlementaires français. C'est le début en réalité d'une guerre commerciale et diplomatique entre Alger et certaines capitales européennes. Et, du jour au lendemain, des pays comme la France ou l'Espagne ont durci l'octroi de visas aux Algériens pour toutes les catégories socioprofessionnelles.

Le gouvernement algérien pour autant n'a pas réagi et il semblerait qu'il ne va pas réagir à cette non avouée mesure de rétorsion que Bruxelles a introduite, si l'on décrypte bien les propos du ministre des Affaires étrangères. M. Messahel parle ainsi de visas octroyés et non octroyés, mais, pour lui, «les choses se passent normalement, les demandes se font, les visas sont accordés». Et, à moins d'être atteint d'une affreuse cécité, le ministre algérien des Affaires étrangères occulte ces mesures restrictives d'octroi de visas aux Algériens, les blocages introduits par l'Espagne pour la réception des demandes de ceux qui les formulent pour la première fois et, surtout, qu'il y a des mesures de rétorsion des pays de l'UE contre l'Algérie dans le domaine de la libre circulation des personnes, en dépit justement des accords conclus entre les deux parties.

Le gouvernement algérien, qui aurait sans doute failli à certaines clauses de l'accord d'association en verrouillant certaines niches commerciales rentables pour les PME européennes, comme celles de la céramique espagnole, qui fait vivre toute une région, ou les viandes et le blé pour les agriculteurs français, a-t-il commis un crime de lèse-majesté pour être ainsi boudé par l'UE et que ce sont ses ressortissants qui en paient la facture ? Sinon, pourquoi M. Messahel parle de «dépassements» que «nous sommes en train de gérer de manière qui prenne en charge la dignité humaine et la dignité des Algériens» ? Le durcissement des mesures d'octroi de visas aux Algériens est-il, quelque part, un geste inamical de Bruxelles envers Alger ?