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Amateurisme

par Mahdi Boukhalfa

L'alerte est sérieuse ! L'agriculture algérienne utilise plus qu'il n'en faut une grande quantité d'herbicides très dangereux pour la santé humaine, au point de provoquer une sérieuse inquiétude au sein de certains milieux professionnels. Le danger des produits agricoles fortement contaminés par des herbicides, et donc qui n'obéissent plus aux normes minimales de la consommation humaine et même animale, a été mis en évidence ces derniers jours avec le refoulement de pommes de terre d'Algérie par les autorités sanitaires russes. Avant cela, les autorités sanitaires qataries avaient refoulé de la tomate algérienne pour les mêmes motifs, à savoir qu'elle contenait un fort taux d'herbicides.

Au sein des exportateurs algériens, c'est à la fois la panique et une sourde colère puisque au final ils risquent de ne plus être acceptés dans ces marchés, très exigeants autant sur la qualité que sur le volet sanitaire des produits. Le branle-bas de combat enregistré autant au sein de l'association algérienne des exportateurs que parmi les experts de l'association de protection du consommateur (APOCE), qui ont dans la foulée accusé les agriculteurs d'utiliser ?'à tort et à travers'' toute sorte de pesticides et à des teneurs très élevées, interpelle plus que jamais les autorités agricoles. Car l'utilisation abusive de pesticides, fortement cancérigènes et provoquant des maladies de la peau également, ne date pas d'aujourd'hui. Selon des sources proches des milieux agricoles, des défoliants fortement déconseillés sont librement utilisés par des agriculteurs algériens sans qu'ils ne sachent vraiment les risques encourus pour eux, pour l'environnement ou pour les consommateurs de l'utilisation de ce type d'herbicides pour notamment les céréales.

Le cas d'espèce du refoulement de plusieurs pays d'Europe de produits agricoles algériens doit plus que jamais attirer l'attention des autorités autant agricoles que sanitaires du pays, pour d'abord revoir toute la chaîne de l'utilisation des pesticides et surtout certains très dangereux pour la santé humaine et d'ailleurs interdits dans beaucoup de pays industrialisés et qui ne sont toujours pas retirés de la nomenclature des pesticides autorisés. L'enjeu économique est de taille pour le pays, car une dramatique méconnaissance des procédés d'utilisation des pesticides serait à l'origine d'une vraie catastrophe sanitaire qui affecterait l'ensemble de la production agricole nationale. Et, avant que le meilleur de cette production ne soit expédié à l'étranger où il sera soumis à des tests sanitaires sévères, le plus gros sera consommé sur place. Avec tous les aléas qu'un fort taux de pesticides sur tous les produits agricoles, dont les primeurs, peut provoquer sur la santé des Algériens. Et puis, il y a pire : ces milliers de tonnes de pesticides utilisés abusivement et non selon des dosages appropriés iront, fatalement, polluer la nappe phréatique.

Plus que jamais, les autorités sanitaires doivent se saisir de ce dossier plus qu'urgent pour faire déjà le point de ce qui peut être sauvé et rattrapé et, pour les autorités agricoles, reprendre le contrôle de la situation. Et, surtout, moraliser la profession où des comportements mercantiles ont envahi un secteur devenu pour certains milieux une source de richesse rapide, au détriment autant de la santé du citoyen que de l'environnement ou même de l'économie nationale. L'annonce du refoulement de produits agricoles de plusieurs pays est une sorte d'avertissement à toute la chaîne de la production nationale, tous secteurs confondus, que l'exportation ne peut cohabiter avec l'amateurisme.