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Le verrou des 49/51%

par Mahdi Boukhalfa

C'est un constat : l'Algérie n'est pas un pays, en Afrique et au Maghreb, qui attire substantiellement les investissements directs étrangers (IDE). C'est alarmant car un pan important de l'économie nationale, que ce soit dans les services, la haute technologie, l'industrie ou l'agroalimentaire, dépend des flux des investissements étrangers. Le dernier rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) confirme malheureusement cette tendance préoccupante. Le flux des IDE a même baissé en 2017 de 26% par rapport à 2016 et l'Algérie n'a récolté que seulement 1,2 milliard de dollars sur les 42 milliards de dollars d'IDE captés par l'Afrique.

Les explications de la Cnuced, si elles justifient cette baisse conjoncturelle des IDE à destination de l'Afrique, n'en constituent pas moins une alerte sur le faible attrait de l'économie nationale pour les grands investisseurs étrangers. La Cnuced lie cette baisse des IDE vers l'Afrique par une crise internationale sur les matières premières, ce qui aurait ainsi affecté des pays comme l'Algérie et le Nigeria, exportateurs de pétrole. Pour autant, en interne, les experts algériens estiment que depuis l'introduction de la règle des 49/51%, beaucoup de grands investisseurs boudent l'Algérie, préférant aller ailleurs où ils ont eu effectivement de meilleures conditions et des garanties pour leurs investissements.

Cette règle des 49/51%, qui a asséché le secteur pétrolier et fait reculer de grandes compagnies pétrolières américaines, est présentement quelque peu à l'origine de la décision de revoir la loi sur les hydrocarbures. Et, surtout, qui est derrière bien des échecs dans d'importants contrats industriels et de services. Alnaft a enregistré de son côté plusieurs appels d'offres infructueux que des spécialistes ont attribués notamment à la rigidité des règlements régissant les investissements en Algérie. Les Américains l'ont d'ailleurs à plusieurs fois montrée du doigt et dénoncée lors de rencontres d'affaires ici en Algérie ou aux Etats-Unis. Le président du Conseil d'affaires algéro-américain, Smaïl Chikhoune, a d'ailleurs à plusieurs reprises attiré l'attention des autorités algériennes sur cet obstacle en particulier de la règle des 49/51%, en plus de la bureaucratie, qui freine les investisseurs américains à venir s'installer en Algérie.

Les chiffres et le bilan de la Cnuced plaident, plus que jamais, pour une révision des règles, même prudentielles, régissant l'investissement étranger dans notre pays et, surtout, que les lois algériennes en matière de commerce, d'industrie ou d'investissements ne soient pas à l'opposé de ce qui est fait dans le monde. Car au moment où les IDE baissent dans notre pays, ils sont en hausse ailleurs, là où des mécanismes plus ouverts à la compétitivité, à l'excellence, à la concurrence, avec «zéro» bureaucratie, sont le langage le plus usité.

En réalité, la baisse des IDE en Algérie, plus qu'un constat, est un clignotant pour que le gouvernement revoie et reconsidère certaines règles et mécanismes qui bloquent justement tout projet d'investissement étranger. D'autant que le secteur le plus prisé des investisseurs étrangers est celui des hydrocarbures et produits dérivés, car très rentable à court terme. Mais qui en retour participe globalement à l'effort d'investissement de l'Algérie dans le secteur énergétique, en particulier pour les énergies renouvelables, et même non conventionnelles. Pour beaucoup, la règle des 49/51% est un verrou qu'il faut faire sauter au profit d'autres règles prudentielles plus flexibles et acceptées par tout investisseur étranger qui veut être «près de son argent».