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Le piège du démantèlement tarifaire

par Mahdi Boukhalfa

Une fois n'est pas coutume, c'est le responsable d'une association qui met en garde le gouvernement sur les conséquences, qui pourraient être dramatiques pour l'économie nationale, du prochain démantèlement tarifaire avec l'Union européenne. En vertu des accords reliftés entre 2010 et 2011, le démantèlement tarifaire, un des points les plus importants de l'accord d'association avec l'UE, va être une véritable bourrasque pour la fragile économie algérienne. En clair, il n'y aura plus de barrières douanières aux produits de l'UE qui pourront envahir le marché national sans contrepartie locale, alors que les produits européens seront exonérés de droits de douane.

Actuellement, le Trésor public perd chaque année l'équivalent de deux milliards de dollars en taxes non recouvrées du fait de cet accord et en 2020 ce sera pire. D'autant que les produits en provenance de l'UE, qui vont alors circuler dans une zone de libre-échange, n'auront devant eux aucune concurrence sérieuse. Mais, le plus grand danger de cet accord, et que le gouvernement doit prendre dès maintenant en considération, c'est qu'à la date butoir de 2020 les produits de l'UE vont s'imposer sur le marché national, que cela plaise ou non aux autorités commerciales du pays. Et, comme le commerce international est truffé de stratagèmes mis en place par les Etats ou les groupements régionaux pour protéger leurs productions et leurs économies, il y a le piège de ce fameux article de l'accord d'association qui porte sur le principe de compensation. Et donc, si on arrête d'importer un produit, du soja par exemple, on doit à la place importer des céréales selon les mêmes termes de l'accord. En plus, ces produits vont entrer sur le marché national sans droits et taxes douaniers.

Le président de l'association nationale des exportateurs algériens a lancé l'alerte sur les dangers que va représenter pour l'économie algérienne le démantèlement tarifaire, prévu dans moins de deux ans, alors que rien n'a été jusque-là mis en œuvre, autant sur le volet industriel qu'agricole, pour se préparer à cette échéance. Entre 2011 et 2017, ce sont bien six années de perdues alors que la date d'effet de l'accord est là. L'Algérie avait fin 2010 demandé de reporter de trois années, soit de 2017 à 2020, le calendrier du démantèlement tarifaire des produits importés de l'UE, sa requête étant motivée par le besoin d'accorder une période supplémentaire aux entreprises algériennes afin de se préparer à la concurrence accrue qui sera imposée avec la création de la zone de libre-échange algéro-européenne. Et, aujourd'hui que l'échéance est là, on s'aperçoit brusquement que rien n'a été fait pour préparer l'économie algérienne à supporter le poids et la concurrence des produits de 28 pays de l'UE et non les 15 pays signataires de l'accord en 2005.

Pis, c'est une sorte de retour en arrière que nous propose le gouvernement Ouyahia, même si le Premier ministre, déjà en 2009, avait proposé de changer certains produits agricoles et industriels et les retirer de la corbeille des négociations. Mais, là, il est vraiment trop tard pour renégocier quoi que ce soit, à moins de sortir de la légalité de ces accords et de les dénoncer au nom du sacro-saint principe du protectionnisme commercial. Mais, après les péripéties diplomatiques engendrées récemment par les accusations de la commissaire européenne au commerce, il serait à tout le moins maladroit de revendiquer une autre période de grâce pour la production nationale et, surtout, de demander un autre report du démantèlement tarifaire. Ce qui serait catastrophique pour les relations déjà très tendues ces derniers temps avec Bruxelles.