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Une crise, des pressions

par Mahdi Boukhalfa

Dans ce pathétique bras de fer entre le ministère de la Santé et les médecins résidents, qui s'éternise et ne semble pas pour le moment aller vers un dénouement, il y a toute la crédibilité des institutions du pays qui est en jeu. Car le ministère de la Santé, qui tarde à reprendre le dialogue pour une rapide sortie de crise avec les médecins résidents, plonge le secteur dans une profonde crise. Le grief lui est adressé en premier lieu, car il est le dépositaire des décisions régaliennes et, à ce titre, il se doit, par quelque moyen que ce soit, de trouver et vite une solution à un problème qui n'a que trop duré. Car au moment où des étudiants en médecine ferraillaient dur pour arracher quelques droits spoliés, quelques territoires de liberté, le ministère de la Santé déposait devant les deux chambres du Parlement un projet de loi non seulement contesté par la corporation, mais, surtout, qui n'a pas fait l'objet d'une large concertation à la base.

Des associations de professionnels dont le Conseil national de l'Ordre des médecins ont même dénoncé ce projet de loi sur la santé, le considérant comme «un code pénal bis». L'association des pharmaciens d'officine s'était également insurgée contre certains articles de ce projet de loi, notamment en ouvrant le secteur aux forces de l'argent. Pis, des voix à l'intérieur du secteur et des syndicalistes y ont dénoncé un retrait progressif du principe défendu par le président Bouteflika de la gratuité des soins, un principe consacré par la Constitution. Résumons-nous : durant les longs mois de grève des médecins résidents, de négociations et discussions ayant abouti à l'impasse actuelle, le ministère de la Santé, et cela est une évidence, faisait de son côté le forcing pour ficeler son projet de loi, le faire accepter par le gouvernement, puis l'envoyer comme un colis recommandé aux deux chambres du Parlement. Les partis d'opposition s'y sont opposés, y voyant un abandon de la gratuité des soins et la prédominance du secteur privé dans l'acte de soigner.

Une appréhension qui est loin d'être une vue de l'esprit des partis d'opposition, sinon on s'explique mal ce long silence du ministère devant de simples revendications «d'étudiants» en sciences médicales. Le réaménagement du service civil n'est ni un «blasphème» quand il est revendiqué par les résidents, ni un «parjure» s'il est accepté par le ministère. Tout comme ce statut que les résidents n'ont pas encore, et ainsi de suite sur une longue liste de revendications pas aussi terribles à satisfaire, si quelque part il y a une volonté à l'apaisement et à la discussion. Non, le ministre semble tout occupé avec son projet de loi sanitaire dans lequel des dispositions de l'ancienne loi datant de 40 ans, dont la durée du service civil, ont été reconduites en dépit des avertissements des professionnels de la santé, et donc donne cette impression, et il l'a dit au Sénat à des journalistes, d'être «coupé de tout».

Dans cette déplorable situation qui met à mal des hôpitaux du pays, qui fonctionnent déjà avec beaucoup de «baraka» comme l'ont d'ailleurs signalé les résidents, c'est, en dernier ressort, le pauvre citoyen qui en paie les frais. Sinon, comment expliquer qu'un Conseil interministériel présidé par le Premier ministre se tienne sur cette crise sans qu'il n'y ait un communiqué pour informer l'opinion publique sur ses résultats ? Cette crise, il faudrait quand même la résoudre. De préférence aujourd'hui et pas demain.