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L'effet Trump

par Mahdi Boukhalfa

Une fois encore, les pays producteurs de pétrole, dont l'Algérie bien sûr, doivent prendre des décisions courageuses pour maintenir les prix à des niveaux acceptables. La conjoncture économique mondiale ne plaide pas, forcément, pour une longue accalmie sur le front des tensions commerciales, maintenant que le président américain Donald Trump est en train de bouleverser tous les «gentleman's agreements» conclus jusque-là sur les marchés entre les grands opérateurs.

A Koweït, les ministres de l'Energie algérien, saoudien, émirati, koweïtien et omanais ont rappelé la nécessité du maintien de la coopération entre pays producteurs de pétrole membres et non membres de l'Opep. Une coopération qui devrait maintenir l'actuel plafond de production et ne pas aller, comme le souhaitent les forces du marché, vers un relèvement de ce plafond de production, ce qui serait catastrophique dans l'actuel climat de crise commerciale entre les Etats-Unis et leurs principaux partenaires, notamment européens. Les pays participant au sommet informel de Koweit City ont appelé hier dimanche «au maintien du partenariat actuel afin de s'adapter de manière continue aux dynamiques actuelles du marché, à la poursuite des intérêts des consommateurs et producteurs tout en favorisant une croissance économique mondiale saine».

L'appel n'est pas fortuit, car il exprime une extrême inquiétude des pays producteurs devant les nouveaux signes de tension entre les Etats-Unis et les principales économies du Vieux Continent. Des tensions commerciales qui pourraient se répercuter sur le marché pétrolier par un fléchissement de la demande provenant des pays de l'UE et, d'autre part, de l'invasion du pétrole de schiste américain, à moindre prix, sur les marchés pétroliers. Et la nouvelle guerre de l'acier et de l'aluminium imposée par Trump autant à l'UE qu'à ses voisins mexicain et canadien va non seulement avoir un effet domino sur les prix des matières premières, mais surtout provoquer une sorte d'attentisme des marchés qui lèveront le pied le temps que les Etats-Unis et l'UE trouvent un compromis à leur différend sur l'acier et l'aluminium. D'autant que si les Américains n'ont pas accusé les Européens de pratiques commerciales déloyales, comme le dumping, ils ne sont pas loin de vouloir imposer de nouvelles règles commerciales au marché très sensible de l'acier et l'aluminium, toute l'économie mondiale dépend en grande partie de ces matériaux.

Dès lors, il est clair que l'appel à la prudence lancé hier dimanche à Koweit City par les pays membre du Comité ministériel de surveillance du respect de l'accord de plafonnement de la production de pétrole intervient dans une conjoncture économique mondiale stressée par les exigences contre nature du président américain, qui est en train de reconfigurer les rapports de force dans le système commercial mondial, élaguant au passage tous les règlements d'arbitrage de l'OMC. Fatalement, c'est une véritable guerre commerciale mondiale qui est en train de se mettre en place, allant dans le sens des déclarations du président américain selon lequel «les guerres commerciales sont faciles à gagner». Un défi de plus, mais cette fois-ci sur le terrain commercial que veut imposer le président américain au reste du monde et qui, par ricochet, incite les pays producteurs de pétrole, et l'Opep en particulier, à beaucoup de prudence dans l'actuelle conjoncture. Car le marché pétrolier, qui a légèrement dévissé en fin de semaine à moins de 77 dollars/baril, pourrait en fait profiter de cette «zizanie» commerciale entre les pays les plus industrialisés du monde. Vu sous cet aspect, Trump n'est pas vraiment aussi détestable que cela.