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Fausses notes

par Mahdi Boukhalfa

Il y a comme un air de délitement au sein des institutions les plus représentatives du pays. Sinon, à défaut, un état d'extrême fragilité des institutions régaliennes. Vue de l'extérieur, la bulle «Algérie» donne cette impression d'un indéfinissable malaise à tous les niveaux. Il y a d'abord le report de ce Conseil des ministres avec des décisions importantes au menu, en particulier la validation du projet de loi de finances complémentaire 2018, pour la poursuite du programme de travail du gouvernement d'ici à la fin de l'année. Le gouvernement Ouyahia a introduit plusieurs changements dans la fiscalité ordinaire, dont des droits de timbre exorbitants concernant tous les documents administratifs utilisés par les Algériens (passeports, permis de conduire, ...).

L'opinion publique attendait donc avec une certaine appréhension cette réunion que devait présider le chef de l'Etat et sur qui était placé l'espoir que ces taxes ne passeraient pas. Mais, pour des considérations «extra-gouvernementales», elle ne s'est pas tenue. Et donc que l'envoi de ce projet de LFC 2018 au Parlement, puis au Sénat, se fera avec un retard d'au moins un mois. Autant dire que l'application de la LFC 2018 entrera au plus tôt en août prochain, soit à quatre mois seulement de la fin de l'année et à seulement un mois de la préparation de la loi de finances 2019. Dès lors, l'utilité même de ce PLFC 2018 se pose. A moins que la Primature ne veuille le faire passer en force, ce qui en l'espèce serait un véritable défi à l'autorité du président Bouteflika.

Les choses ne sont pas arrivées à ce niveau, d'autant qu'au sein du gouvernement l'idée d'imposer de nouvelles taxes aux documents administratifs serait en voie d'abandon et devait être officialisée durant le Conseil des ministres de jeudi, reporté à une date ultérieure. L'autre grande fausse note dans le fonctionnement des institutions politiques, et au sein du parti majoritaire qui, d'une manière ou d'une autre, pèse sur les décisions du gouvernement à travers les deux chambres du Parlement, est que son SG est en train de vider de sa substance le plus vieux parti du pays, l'exposant à tous les dérapages. Que se passe-t-il au sein de ce parti qui a appelé le président Bouteflika à se présenter pour un 5ème mandat et qui est dirigé d'une manière contraire à tous ses règlements par un SG qui refuse la tenue d'une session extraordinaire du Comité central et qui limoge à tour de bras les membres du BP ? Faut-il comprendre qu'il y a une partition étrange qui est actuellement en train d'être préparée ; mais, au final, fera-t-elle grandir davantage le pays ou arranger certains clans au sein du pouvoir ?

L'autre «sortie de route», qui perturbe et distrait le fonctionnement serein des institutions nationales, est cet appel bien curieux d'un syndicat d'enseignants selon lequel il faut une «session spéciale» du bac aux candidats du sud du pays. La raison ? «Il fait trop chaud» dans ces régions à cette époque de l'année, et même qu'il s'agit d'une «discrimination» entre les candidats du Nord et du Sud. Si l'on excepte la longue période des expérimentations d'Aboubakr Benbouzid, qui avait appliqué pendant trois ans un «Bac Sud», les examens de fin d'année devront donc, selon cette logique, obéir à tous les critères, sauf pédagogiques. Non, vraiment, le pays a un besoin urgent d'une reprise en main. Plus que jamais à commencer par des décisions claires, justes et réfléchies du gouvernement qui ne doit surtout pas prêter le flanc aux décisions impopulaires ou conjoncturelles.