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Recadrage

par Mahdi Boukhalfa

La «relecture» du projet de loi de finances complémentaire pour 2018 par le chef de l'Etat est-elle un remake de l'affaire «PPP», pour partenariat public-privé, une initiative du Premier ministre avec ses partenaires sociaux (UGTA et patronat) qui a été reliftée par le président Bouteflika ? Si des sources proches de la Primature affirment que c'est le président lui-même qui a demandé à revoir ce texte, cela ne signifie nullement que le projet de loi sera profondément remanié ou que la démarche de M. Ouyahia soit désavouée.

Dans la première mouture de ce texte, il y a beaucoup de taxes nouvelles avec des plafonds qui font frémir, dont la délivrance d'une carte grise à partir de 10.000 DA ou un permis de conduire biométrique à 5.000 DA. Des augmentations stupéfiantes concernent également des produits importés et, dans le fond, la promesse que ce projet de LFC 2018 va provoquer un véritable tsunami au sein des couches sociales les plus vulnérables. Car si le gouvernement va trouver assez de ressources financières en abusant d'une pression fiscale, socialement inutile, pour terminer l'année en lançant des projets sociaux (hôpitaux et écoles notamment), il n'est pas certain que cette démarche soit la bonne. Pour plusieurs raisons, puisque la LF 2018 a assez raclé les poches des contribuables en hausse des prix des carburants, de l'énergie et d'autres taxes, en particulier en direction de tous les produits d'une assiette fiscale qui ne connaît plus de limites.

Même s'il n'est pas rare qu'un Conseil des ministres soit «reprogrammé» pour éviter la mauvaise sémantique d'un report, cette fois-ci la raison est bien pour revoir ce projet de LFC 2018, socialement dangereux et politiquement suicidaire. D'autant que cela intervient au moment même où les prix du brut, sous la pression des tensions géopolitiques internationales, sont en train de remonter vers des niveaux jamais atteints depuis juin 2014. Une brusque amélioration des recettes pétrolières à la fin du premier semestre est une hypothèse envisageable et qui devrait détendre autant la pression sur les finances publiques, les réserves de change que donner un peu d'air au gouvernement. Ceci dans le cas où l'exécutif viendrait à tout laisser tomber de sa rigueur budgétaire et son programme économique austère pour reprendre ses travers et ne compter, de nouveau, que sur les recettes de pétrole pour financer l'économie.

Ce n'est pas apparemment le cas puisque Ouyahia maintient le cap d'un virage serré sur le front financier, avec davantage de taxes accompagnées de hausses sur tous les fronts, pour accompagner la politique du recours au financement non conventionnel pour irriguer l'économie nationale. Pourtant, un coup de grisou a eu lieu et le président a, en quelque sorte, sifflé une pause dans cette marche à pas forcé du gouvernement pour arriver aux équilibres budgétaires au moins dans trois ans. La réaction du président de revoir cette LFC 2018 pourrait être associée autant à cette amélioration des recettes pétrolières, et là la lecture de la LFC 2018 tendrait à en arrondir certaines aspérités, notamment sur l'allègement de la pression fiscale en direction des contribuables, mais pas pour les entités économiques. Il y a aussi cette volonté de ne pas trop exacerber le front social, déjà mal en point, mais au contraire de l'apaiser avec des mesures fiscales moins contraignantes à moins d'une année de la prochaine présidentielle. Enfin, le président montre en prenant à témoin l'opinion publique, en recadrant son Premier ministre, qu'il garde la main sur les affaires du pays.