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Démagogie

par Mahdi Boukhalfa

L'embellie sur les marchés pétroliers ne semble pas, pour le moment, se répercuter sur le comportement du gouvernement. Un brut à plus de 70 dollars, il n'y a que les périodes de tensions géopolitiques sur fond de bruit de bottes qui sont capables de lui donner des couleurs pour les pays producteurs. Et des sueurs froides pour les pays consommateurs. Mais, pour le gouvernement Ouyahia, rien ne transparaît, comme un comportement qui consiste à ne plus faire ni confiance, encore moins dormir sur ses lauriers, à des tendances fiévreuses des prix de pétrole.

L'actuelle remontée, certes rapide, des cours de l'or noir est en elle-même un avertissement à tous ceux qui seraient tentés de crier ?'à la hausse» sans faire attention à un marché et des acteurs versatiles. Ceci peut-il pour autant expliquer l'attitude réservée du gouvernement qui, depuis un peu plus de deux mois, avec la remontée laborieuse des cours de pétrole, n'a pas réagi officiellement à cette embellie ? Ce qui est sûr, c'est que l'exécutif va présenter avant la fin du mois de mai au Parlement un projet de loi de finances complémentaire pour 2018 (PLFC 2018), truffé d'ailleurs de nouvelles taxes, sinon des hausses de taxes. Le recours à une LFC sert généralement pour boucler ou compléter des budgets sectoriels, terminer des programmes du gouvernement et, surtout, permettre au Trésor, avec l'apport de nouvelles ressources, de terminer l'année fiscale.

Certes, il y aura ou pas un endettement du Trésor, là n'est pas la question, mais celle de savoir, sur le plan politique, à moins d'une année de la prochaine élection présidentielle, la finalité d'une loi de finances complémentaire et, surtout, son élaboration moins de quatre moins après le début de la loi de finances 2018. Que s'est-il passé depuis décembre dernier pour que le gouvernement ait recours à une LFC pour terminer l'année fiscale ? Certes, plusieurs ministères, dont celui de la Santé, auront droit à des rallonges budgétaires, ce qui servirait notamment à lever l'interdiction décidée par le Premier ministre pour cause d'austérité budgétaire sur le programme de construction d'établissements hospitaliers. Mais, là n'est pas la seule raison, car entre-temps le gouvernement avait un choix, sur le front social, à faire: comment revaloriser à une année d'un probable 5ème mandat présidentiel les pensions de retraite sans mettre plus qu'il n'en faut en péril le système de sécurité sociale qui bat de l'aile ?

L'astuce a été trouvée dans cette modulation de la revalorisation de la pension de retraite et de ne plus l'octroyer de manière linéaire, avec un seul taux applicable pour tous les types de retraite. Cela va donc de 5%, un taux important mais dérisoire par rapport à la catégorie concernée, celle qui perçoit moins de 20.000 DA/mois, à 0,5% pour ceux qui perçoivent une retraite mensuelle de plus de 80.000 DA. Sauf que la démarche, populiste s'il en est, avec ce message que l'Etat se préoccupe des bas salaires, est démagogique car elle divise les catégories de retraités en fonction de leurs pensions. Une catégorie d'Algériens, les cadres supérieurs et les cadres moyens, est automatiquement exclue de la revalorisation de leur pension de retraite et, même si cette pension est dix fois plus importante que la moyenne, il y a quand même une injustice sociale que ne saurait expliquer la précarité de l'état des finances de la caisse de retraite. C'est cela la gouvernance absolument discutable de l'actuel gouvernement et dont le Premier ministre n'avait pas manqué, en août dernier, de dénoncer ?'la démagogie et le populisme» des deux gouvernements qui l'avaient précédé.