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Paradoxe

par Mahdi Boukhalfa

Occasion forte, potentielle pour le président Bouteflika de faire le bilan de quatre mandats successifs que les festivités de ce 1er Mai. Une aubaine surtout pour les soutiens de tout bord d'un 5ème mandat de mettre en valeur le travail d'un président qui, lui, s'appuie sur sa politique de réconciliation et de solidarité nationales qui ont apporté sécurité et stabilité politique au pays. C'est un fait indéniable, d'ailleurs relevé à juste titre par un président qui laisse tout son monde accroché à ses «lèvres» quant à sa volonté d'aller vers un 5ème mandat. Et, il met au défi ses détracteurs en assénant que «nul ne peut, aussi ingrat et aussi injuste soit-il, nier les réalisations de l'Algérie, ces deux dernières décennies, dans tous les domaines du développement et de réformes».

La messe est dite et il est de plus en plus évident que si le président Bouteflika, loin de révéler ses intentions, revient sur les réalisations de ses quatre mandats, cela ne peut être forcément interprété comme une annonce précoce d'une candidature, souhaitée et même sollicitée par le FLN. Non, le fait avec ce 1er Mai est que le président veut renvoyer l'image d'un chef d'Etat soucieux de l'intérêt de la nation, son bonheur et sa prospérité. Revenir sur son bilan de ces 20 dernières années est légitime et fortement appuyé par ses conseillers comme un sacerdoce pour boucler la boucle d'un long mandat à la tête du pays. Et, pratiquement, si l'on s'habille d'honnêteté, bien sûr, il y a lieu de reconnaître que le pays a connu une croissance extraordinaire, autant dans la réalisation d'infrastructures, de grands ouvrages, d'habitat, de santé, d'éducation, et même dans une extraordinaire amélioration du service public et l'élimination de la bureaucratie. Ce sont des avancées extrêmement positives pour toute société qui veut s'émanciper du sous-développement et du diktat de la bureaucratie et la mauvaise gouvernance.

En ramenant ses détracteurs à la raison, le président Bouteflika explique surtout, dans son message à l'occasion de la Fête des travailleurs, qu'il lui reste du punch et de la volonté pour mener encore plus loin une mission qu'il s'était assignée à son arrivée en 1999 : affranchir le pays de l'insécurité, du terrorisme et asseoir une solide paix civile, à l'ombre de grandes réalisations socioéconomiques. Sauf que, dans cet idéal, la machine peut grincer et même peut être grippée par des grains de sable. Car si le bilan à moins d'une année de la fin du quatrième mandat présidentiel peut prêter à l'optimisme pour tous ceux proches des cercles du pouvoir, au-delà il n'y a pas que des applaudissements. Il y a d'abord cette incapacité du gouvernement à répondre efficacement, en engageant de surcroît l'avenir de générations entières d'Algériens, à une crise financière qui a creusé de larges sillons dans la société. Non seulement le gouvernement Ouyahia maintient fermées les portes de la croissance, et donc de l'emploi et la relance de la consommation et l'épargne sur des bases économiques saines, mais l'application de la «planche à billets» pour faire tourner une partie de l'économie nationale va prolonger plus qu'il n'en faut cette récession économique.

Si le président a des raisons et des motifs sincères de fierté en exhibant son bilan, il y a lieu cependant de relativiser ces réalisations, car elles peuvent être réduites à néant par une demande sociale qui ne connaît plus de limites. Car à force de donner sans contrepartie, c'est-à-dire dépenser sans produire, en échange d'une fragile paix sociale, on a créé le besoin et tué le travail.