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Démonstration

par Mahdi Boukhalfa

La sortie du président Bouteflika dimanche à la place des Martyrs, officiellement pour inaugurer deux nouvelles lignes du métro d'Alger et l'antique mosquée Ketchaoua, aura fait jaser dans les chaumières politiques algéroises. Intervenant quelques jours seulement après que le FLN lui a demandé de se porter candidat à l'élection présidentielle de 2019, l'apparition en public du président, après une longue absence, fortement acclamé par une foule rassemblée en majorité par le maire «indépendant» d'Alger centre, aura ainsi renforcée la conviction de beaucoup de cercles politiques, dont ceux de l'opposition, qu'il va réellement briguer un 5ème mandat. Et que, dès lors, les jeux sont faits.

Pour autant, et loin de ces «plans sur la comète», cette sortie du président était programmée il y a déjà plusieurs mois. D'abord, l'inauguration de la prestigieuse mosquée Ketchaoua était déjà prévue lors de la dernière visite du président turc Erdogan, mais qui n'a pas eu lieu pour d'inexpliquées raisons diplomatiques. Ensuite, l'inauguration de la station de la place des Martyrs du métro d'Alger était également programmée pour qu'elle le soit par le chef de l'Etat. Les préparatifs étaient en cours depuis au moins deux mois, avec une accélération des travaux qui devaient initialement être achevés pour le double anniversaire du 24 Février. Pour autant, le climat de liesse populaire et une mise en scène digne d'une campagne électorale étaient un message éloquent pour ceux qui doutent ou doutaient du potentiel que peut représenter le chef de l'Etat pour les partis au pouvoir, quand ce n'est pas pour le pouvoir lui-même. Car si l'échéance de 2019 est encore loin, pratiquement une année pleine, les pronostics comme les pions sont d'ores et déjà en mouvement.

Certes, la sortie de Bouteflika était nécessaire, ce que ne dit pas le protocole, car les responsables du transport et du métro d'Alger ne pouvaient entamer l'exploitation commerciale des deux nouvelles lignes mises en circulation sans que le chef de l'Etat ne les inaugure. C'est comme ça, cela rentre dans les mœurs protocolaires et politiques du pays, d'autant que, pour la symbolique comme pour rétablir une vérité historique, c'est bien M. Bouteflika qui avait relancé le projet de construction du métro d'Alger alors qu'il a été même oublié durant de nombreuses années, faute d'argent. L'apparition du chef de l'Etat dimanche pour l'inauguration de deux projets, l'un économique et social, l'autre plutôt religieux, voire du patrimoine culturel et historique algérien, ne peut être au premier degré interprétée comme un signe ostentatoire ou un message clair qu'il va se présenter à l'élection de 2019. Encore moins une démonstration d'une quelconque volonté du président d'accéder, aussi facilement, à la demande du FLN de se porter candidat pour un 5ème mandat. A moins que les partisans d'un 5ème mandat, dans l'entourage même du président, n'aient organisé cette sortie de travail au-delà de ce qu'elle devait être, il faut relativiser les choses, et croire que le président a, pour le moment, un autre agenda de travail.

L'annonce d'une candidature du candidat du FLN est de nature à fausser tous les espoirs de l'opposition qui attend depuis 16 ans l'occasion d'opérer démocratiquement un si difficile changement à la tête de l'Etat. Le président Bouteflika le sait, il est encore trop tôt, si jamais il veut encore rempiler une dernière fois, ni l'âge ni la Constitution ne lui permettront un «6ème» mandat, pour annoncer quoi que ce soit sur ses futures intentions de présidentiable. Maintenir le suspense sur sa candidature ou non fait également partie du jeu.