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Etrange mutisme

par Mahdi Boukhalfa

Le dernier remaniement ministériel qui a touché notamment un ministère au cœur de la stratégie commerciale du pays, en particulier sa lutte contre les déficits, ne semble pas avoir provoqué de réactions importantes au sein des partis politiques. A vrai dire, il y a eu peu de réactions des partis ou de la société civile à propos d'un remaniement décidé par le chef de l'Etat à un moment inattendu. Tourisme, Commerce et Jeunesse et Sports, outre les Relations avec le Parlement, ont été touchés par ce changement de titulaires de ces postes ministériels.

C'est, plus que les trois autres, bien le Commerce qui suscite le plus de débats au sein de l'opinion publique qui se demande surtout les raisons d'un silence devenu presque troublant de la part des partis politiques. Un silence qui inquiète quant à la réelle présence des partis sur la scène politique nationale, sinon pose des questions angoissantes sur le rôle de ces partis dans la vie politique nationale. Car hormis une ou deux formations de l'opposition, c'est un silence sidéral qui a été enregistré après le départ de quatre ministres, à un moment où d'autres ministres du gouvernement Ouyahia, dont ceux de la Santé et de l'Education, sont, dit-on, sur la sellette depuis au moins cinq mois et leur gestion contestée. La démarche des partis algériens étonne, car leur silence est une caution à toutes les décisions, bonnes ou mauvaises, du gouvernement qui, cependant, a besoin justement des critiques de l'opposition pour revoir sa copie sur nombre de questions sociales, économiques d'importance ou de bonne gouvernance.

Il n'est pas étonnant, dès lors, de voir que le gouvernement Ouyahia n'a pratiquement, et là aussi à l'exception du PT et du RCD, aucun obstacle politique devant lui. Et, au-delà, ce silence des plus de 70 partis agréés sur les moindres décisions du gouvernement ou le dernier remaniement gouvernemental est étrange, suspect même. L'opinion publique est en droit de s'interroger sur la finalité, sinon l'intérêt d'avoir des partis politiques qui ne se réveillent, s'ils ne sont pas réveillés, qu'à l'approche d'élections. Car la voix d'un ou deux partis d'opposition par rapport aux grandes décisions de l'Etat engageant l'avenir de la Nation, comme ce décret exécutif du 5 mars 2018 qui donne pleins pouvoirs à la Banque d'Algérie de gérer l'économie nationale, y compris les recrutements dans la Fonction publique, est tout à fait inaudible dans le silence ambiant de l'ensemble de la classe politique, y compris les partis de la majorité. Et, si la vie politique nationale n'est plus rythmée par les positions des partis par rapport aux actions du gouvernement, bonnes ou mauvaises, là n'est pas la question, beaucoup ne sont pas loin de s'interroger à quoi servent donc ces partis, à part animer et toucher l'argent du contribuable pour les campagnes électorales, s'ils ne légitiment pas une présence facultative dans le décorum d'une démocratie qui a encore du chemin à faire.

Car en dehors de sorties médiatiques fracassantes de certains chefs de parti, dont le sujet principal se concentre sur la santé du président, et donc triturent à tout bout de champ les angles morts de l'article 102, ils ne participent pas ou prou, en retour, à l'animation de la vie politique, ne sont pas présents dans la vie publique et restent en retrait de tout ce qui touche la vie de tous les jours du citoyen. Le fait est que le silence de la majorité des partis devant un événement institutionnel majeur comme un remaniement gouvernemental est symptomatique de l'indigence de la vie politique, publique dans notre pays. Une calamité politique de plus qui ne peut être qu'une grande déception pour ceux qui ont placé leur confiance dans ces partis politiques, investis d'une mission trop lourde pour eux, celle de donner des contours réels à la démocratie, un futur possible à l'alternance politique.