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Avertissement à peu de frais

par Mahdi Boukhalfa

De fake news en fausses informations, on en est arrivé à former et dégommer des gouvernements.

Mais, dans les recoins de cette fausse information relative à un changement profond de gouvernement, qui devait avoir lieu jeudi dernier, le diable étant dans les détails, il s'agit de s'interroger sur les raisons de sa propagation et pourquoi à ce moment de fortes turbulences sur le front social. Certes, des fausses informations relatives à des remaniements de gouvernements, il y en a eu et il y en aura. Tant que durera une gestion démocratique des affaires de l'Etat, cela sera un simple « fake news » qui embellit parfois le paysage politique du pays, ajoutera un peu de piment à une vie politique monotone, sans élégance ni attrait pour la majorité des acteurs sociaux.

Mais, cette fois-ci et jusqu'à preuve du contraire, l'information d'un changement de gouvernement, ciblant des postes qui font débat actuellement autant auprès des citoyens que de la société civile et de partis d'opposition, cristallise toute la colère et les frustrations sociales du moment. Le front social est déstabilisé, les revendications socioprofessionnelles de syndicats indépendants ou de milieux d'affaires et même au sein du patronat déséquilibrent l'action du gouvernement dans plusieurs secteurs. Les dernières restrictions à l'importation de certains intrants industriels ont encore fragilisé le secteur productif national privé, la dévaluation du dinar stresse davantage l'inflation et le secteur du Commerce s'est empêtré dans le syndrome des listes de produits interdits d'importation. C'est dire à la décharge du gouvernement Ouyahia qu'il n'a pas à gérer un ou deux conflits sociaux, mais le fonctionnement de toute une économie et, surtout, répondre et sans faillir à une formidable demande sociale sur tous les fronts.

Un exercice de pouvoir difficile à mener, à assumer quand l'économie vit à perte, à crédit, avec le fonctionnement à plein régime et pour au moins trois ans de la planche à billets. Certes, le gouvernement est dans une position inconfortable, peu enviée sur de nombreux dossiers, notamment celui du montage de véhicules où des lobbies se sont avérés plus forts que ses décisions. Mais, dans le fond, et même s'il rame à contre-courant dans les dossiers chauds de la Santé et l'Education, il n'est pas sans reproche justement pour avoir laissé la situation atteindre, dans ces deux secteurs, un tel degré de pourrissement que, justement, on en vient à « rêver » de son départ. Simple réaction épidermique et de lassitude devant la non-résolution notamment du conflit dans le secteur de la Santé, avec aujourd'hui un début de paralysie des hôpitaux, du tissu social ou de certains milieux excédés par la thérapie gouvernementale proposée à la grève des résidents ?

Le désir de changement de gouvernement est, en réalité, apparu dès lors que des questions de gouvernance simples à résoudre au départ ont été confrontées à une gestion approximative, de certaines demandes sociales urgentes, par les pouvoirs publics. Les deux « mamelles » de l'action sociale et régalienne du gouvernement, l'Education et la Santé, étant en complète déroute, avec un dangereux retour à la gestion autoritaire, démagogique et policière des revendications corporatistes, dont celle des médecins résidents, il ne restait plus alors au front social que de réclamer fatalement le départ de ce gouvernement, car il aurait failli à apporter les bonnes réponses aux bonnes questions du front social. En rêve ou en réalité, peu importe, l'essentiel est que le cri de détresse du front social soit entendu. Le drame dans ces conflits extrêmement nocifs pour la paix sociale est qu'une simple discussion et un esprit de dialogue ouvert auraient évité à tout le monde des situations inextricables, des postures politiquement dangereuses et que l'on ne provoque pas des tempêtes dévastatrices dans un verre d'eau.