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Une si difficile paix sociale

par Mahdi Boukhalfa

Un compromis aurait été trouvé pour mettre à plat les divergences qui subsistaient entre le ministère et un des syndicats d'enseignants pour tirer un trait sur la crise qui secoue le secteur de l'Education nationale depuis novembre dernier. Hélas ! Pour le gouvernement, l'épine reste encore dans le pied, puisque d'autres boursouflures sociales, d'autres conflits d'intérêts restent encore à vif et ne sont toujours pas résolus, au grand dam de la société civile qui assiste impuissante à des dérapages souvent inutiles. Car si, pour le gouvernement, il était urgent de régler au plus vite la crise qui n'a que trop duré dans le secteur de l'Education nationale, la ?'protesta'' des médecins résidents dans le secteur de la Santé publique pouvait quant à elle attendre une solution, en espérant que le Camra abaisse d'un cran et sa pression et ses revendications.

L'équation pour le gouvernement est donc simple : autant dans l'Education nationale le spectre de l'année blanche devenait de plus en plus évident, proche, menaçant, autant la grève des médecins résidents pouvait être contenue et le conflit géré par un service minimum au sein des hôpitaux et la médecine privée. Pour autant, dans l'un et l'autre secteur, le gouvernement agit avec un grand cynisme, car là où il risquait de perdre des plumes avec un discrédit social et politique avec les critiques de partis, il a trouvé les moyens de permettre aux deux belligérants dans un conflit absolument inutile et qui aurait pu être réglé s'il y avait un réel dialogue et que les deux partenaires s'étaient vraiment écoutés, de trouver une issue. Une sortie de crise où il n'y a ni vainqueur ni vaincu entre les deux parties, mais un grand perdant, l'école. Mais, cet aspect de la problématique est devenu au fil des ans et dans ce secteur plus précisément anecdotique, sinon rédhibitoire.

Pour autant, la crise au sein de l'Education nationale, même avec une reprise précaire, n'est pas totalement circonscrite ni résolue, car les revendications syndicales, parfois incompréhensibles et maximalistes, restent entières et que le ministère n'a pas encore satisfaites, certaines n'étant pas de son ressort. Et cela donne froid dans le dos, car l'abîme de la crise dans l'Education nationale est sans fin et achève de donner un panorama social et politique d'ensemble où la gestion des conflits semble absente dans l'agenda du gouvernement. Si ce n'est une posture rigide, brutale, violente, avec à chaque éruption ou contestation syndicale le recours à la justice pour faire reculer et menacer le front social. Un comportement absolument contre-producteur, puisque les mêmes revendications syndicales sont répétées à l'envi depuis au moins une dizaine d'années.

Et, pour rester fidèle à cette politique, le gouvernement a donc sorti son ?'arme fatale'', la mise en conformité des syndicats avec la loi 90-14 du 2 juin 1990. Un rappel à l'ordre qui a pris la forme d'une mise au pas des syndicats, mais qui, au-delà, montre à quel point les fractures s'accélèrent entre le front social et le gouvernement. Cette crise de gouvernance et de confiance entre l'exécutif et le mouvement syndical n'arrange en aucune manière le programme économique de sortie de crise d'Ouyahia qui a beaucoup plus besoin en ces moments, difficiles pour tous, de cohésion, de soutien syndical et surtout que tous les partenaires, syndicat, patronat et gouvernement, parlent d'une même voix.

De toute évidence, il est plus que sûr que le gouvernement a choisi une autre voie, la plus coûteuse socialement, économiquement. Celle de l'affrontement, qui retarde quand elle n'hypothèque pas encore plus la mise en place d'une politique de réconciliation entre partenaires sociaux devant ouvrir la voie à une longue période de stabilité politique et syndicale, synonyme de reprise de la croissance, de paix sociale, du retour à la prospérité économique. Le gouvernement ne semble pas s'être aménagé une porte de sortie de crise sociale pour mener dans un climat de paix syndicale son programme économique. Loin s'en faut.