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Un simple gardien du temple

par Mahdi Boukhalfa

Les temps sont durs pour ceux qui veulent s'exprimer librement ou opposants au sein du plus vieux parti algérien, le FLN. Comme à son habitude, le SG du FLN, Djamel Ould Abbès, veut être tout en même temps au sein de son parti, autant militant que chef et même, le cas échéant, juge et arbitre. C'est un peu cette image d'un SG en quête de légitimité, d'autorité que veut renvoyer à ses adversaires Ould Abbès qui n'hésite plus, à une année de l'élection présidentielle, à se hasarder en terrains inconnus et, surtout, à réactiver une commission de discipline, longtemps oubliée dans les placards ombrageux du parti.

Le chef du parti majoritaire à l'APN, sans doute frileux et réfractaire à toute position contraire à la ligne directrice qu'il veut imposer aux militants et cadres du FLN, a donc sorti le glaive rédempteur contre des cadres du parti qui ont osé dénoncer sa politique et, surtout, s'exprimer librement sur l'actualité politique du pays, allant jusqu'à demander la démission d'une ministre. Un écart de conduite que le SG du FLN a vite fait de dénoncer et envoyer l'auteur de cette incartade aux consignes du parti, en conseil de discipline. Pour l'exemple. Une situation de diktat qui inquiète au plus haut point de hauts cadres du parti. Un état de fait qui a fait réagir certaines personnalités politiques, vieux militants du FLN, pour qui les comportements du SG sont des dérives qu'une grande partie de ses cadres ont condamnées et continuent de condamner.

Abdelaziz Ziari, ex-président de l'APN, s'il n'est pas allé jusqu'à condamner les sautes d'humeur du SG du FLN, n'en pense pas moins que ?'ce sont des sentiers qui ne peuvent mener qu'à l'aventure''. L'inquiétude quant à des dérapages de plus en plus fréquents du chef du FLN est réelle, d'autant que jusqu'à présent celui qui a été désigné à la surprise générale au poste de SG du parti court toujours vers une légitimité qu'il n'a pas encore imposée. Mieux, la grogne est d'autant visible, perceptible au sein des anciens cadres du parti qu'Ould Abbès n'a pas hésité, dimanche dernier à El Alia, à annoncer qu'il veut dupliquer le FLN de 2018 sur celui de 1954 et, à ce titre, il semble plongé dans une lutte féroce contre toutes les voix discordantes au sein du parti. Cette démarche anachronique du SG du FLN est symptomatique du marasme dans lequel le parti est plongé depuis l'arrivée de Djamel Ould Abbès, et même avant lui, du temps de Saadani, qui devait lutter contre une vive opposition, lui aussi.

Au FLN, il semblerait ainsi que chaque SG ait ses détracteurs, ses opposants et ses ?'courtisans''. Et Djamel Ould Abbès ne fait pas exception, lui qui veut non seulement faire taire l'opposition interne, mais mettre un terme à toute tentative de déstabilisation qui viendrait des jeunes cadres du parti. Le report des travaux du Comité central, qui devait avoir lieu en 2017, serait une tactique évidente de l'actuel SG du parti pour éviter une possible éviction prématurée et un vote sanction de tous ceux qui n'ont pas levé la main lorsque Amar Saadani, le jour de l'annonce de sa démission, avait demandé que ?'ceux qui ne veulent pas que je parte lèvent la main''. En monopolisant le débat politique, notamment sur le 5ème mandat, Ould Abbès aura définitivement confirmé sa très grande phobie des courants contraires au sein d'un parti qui refuse ainsi de grandir et d'être autre chose que le creuset de la pensée unique.

La ligne politique actuelle du FLN, qui a toujours trusté les travées du pouvoir, en dépit de la vive opposition de partis du courant ?'démocratique'' ou ceux qui s'en réclament, n'est pas si différente cependant de celle des années passées. Avec le génie de grands patrons du parti, comme Abdelhamid Mehri, en moins. Car à force de s'accrocher et tirer sa légitimité du président, ce que ne font pas le RND ou les partis de la majorité présidentielle, l'actuel FLN se comporte non pas comme un rassembleur ou une force de proposition au marasme social, à la crise financière, un soutien intelligent au gouvernement, mais simplement comme un gardien du temple. Qui attend, lui également, des instructions ?'d'en haut''.