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Curieux rappel à l'ordre

par Mahdi Boukhalfa

Nouveau tour de vis contre les syndicats, pratiquement sommés par l'Etat de prouver leur existence. Le gouvernement échaudé, sinon déstabilisé et affaibli par l'ampleur de la contestation sociale, par le nombre de grèves qui dénoncent les dysfonctionnements dans certains secteurs, quand d'autres syndicats montent au front pour revendiquer une amélioration des conditions sociales des travailleurs, a sorti le glaive pour mater la rébellion syndicale. C'est, dans ce cas de figure, le ministère du Travail qui, au nom du gouvernement et en invoquant la confirmation de la représentativité des syndicats au sein de leurs entreprises ou administrations, les menace de cessation d'activité.

Dans un communiqué envoyé aux syndicats, le ministère les menace de dissolution pure et simple s'ils ne parviennent pas à prouver une représentativité de 20% au sein de leurs employeurs. Cette décision est le signe évident que le gouvernement est devenu extrêmement nerveux face à la récurrence des grèves et, surtout, qu'il veut reprendre la main pour mieux contrôler l'activité syndicale en particulier au sein de la Fonction publique. Avec les grèves dures des médecins résidents, pas encore résolues, celle des enseignants du Cnapeste, pas totalement réglée avec un deal précaire avec le ministère, et celle de l'Intersyndicale, le gouvernement est pratiquement dos au mur par rapport aux revendications du front social.

A contrario, cette grogne n'est plus le fait, et depuis longtemps, de la centrale syndicale UGTA qui a pratiquement perdu toute légitimité, sinon son audience auprès des personnels de la Fonction publique qui représentent le gros des troupes des syndicats autonomes. Et, surtout, des syndicats que le gouvernement ne peut ni contrôler, ni influencer, encore moins diriger, contrairement à l'UGTA. L'un dans l'autre, autant les grèves récurrentes, le malaise social ou le transfert des problèmes syndicaux devant les juridictions internationales du travail, cela fait désordre et pour le gouvernement de M. Ahmed Ouyahia, il s'agit de lignes rouges à ne pas franchir. D'où cette mesure du ministère du Travail de jauger une fois de plus, sous peine de radiation, la crédibilité et la représentativité des syndicats autonomes au sein de leurs employeurs, principalement l'administration publique, l'Education nationale, la Santé, les Impôts. Bref, il s'agit de mettre de l'ordre au sein des syndicats indépendants, là où la grogne est la plus forte, la plus visible, la plus difficile à gérer, sinon à maîtriser.

En sommant donc toutes les organisations syndicales à prouver, pratiquement, la légitimité de leur existence, le gouvernement les met non seulement dans une situation difficile, mais introduit dans le même temps un vice de forme. Le fait est que la demande du ministère du Travail aux syndicats de prouver qu'ils sont représentatifs d'au moins 20% des effectifs dans leur entreprise ou administration est une sorte de guerre des nerfs, même si statutairement les organisations syndicales sont tenues à cette extrémité par la loi au moins une fois par an. C'est une terrible arme du gouvernement qui, en quelque sorte, veut à son tour mettre la pression sur les syndicats même si officiellement il s'en défend. A moins qu'il ne veuille raccourcir la liste officielle des syndicats reconnus et agréés, il lui serait difficile de justifier autrement sa décision que de mettre en difficulté les organisations syndicales les plus actives et les plus présentes sur le devant de l'actualité nationale.