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Un roadshow inquiétant

par Mahdi Boukhalfa

L'homme fort du royaume wahhabite, le prince héritier Mohamed Ben Salmane, surnommé MBS, entame cette semaine un roadshow politique et surtout économique au sein des milieux financiers les plus influents du monde. Tous les regards se tournent vers cette première sortie officielle de celui qui a été désigné en juin dernier par son père comme le prochain roi d'Arabie Saoudite. L'homme fort du moment à Ryad, avant d'aller négocier la vente de 5% de Saudi Aramco à la Bourse de Londres et New York, est attendu ce dimanche au Caire où son allié dans la guerre contre les Houtis au Yémen et le blocus diplomatique contre Doha devrait être réélu sans grande surprise.

L'escale cairote devrait surtout permettre à MBS de consolider le nouvel axe anti-iranien dans la région et s'attacher les services d'un allié, même de circonstance, contre l'ennemi chiite, l'Iran et ses supposés satellites dans le Golfe persique. Sinon, le roadshow de MBS sera également une visite politique qui aura du poids dans les futures relations de Ryad avec ses voisins arabes d'abord, dont le Qatar, et surtout avec l'Iran, son ennemi de toujours. Le « trip » de MBS se poursuivra mercredi à Londres, ensuite du 19 au 23 mars à Washington et probablement à Paris. Ce périple de celui que les milieux politiques et financiers occidentaux considèrent déjà comme le futur souverain d'Arabie Saoudite, intervient après une profonde purge qu'il a effectuée dans les milieux religieux, d'affaires et militaires dans son pays, qui aura renforcé encore plus son pouvoir.

La tournée de MBS notamment à Londres et Washington intervient surtout après le lancement d'importantes réformes, en particulier sociales et culturelles avec l'ouverture de salles de cinéma et, une première, le droit des femmes de conduire des voitures. Une révolution qui a été cependant rendue possible avec l'arrestation et le confinement au silence des milieux religieux les plus radicaux. Vu de l'extérieur, MBS présente l'avantage de procéder à de vastes réformes tant politiques, économiques que sociales et culturelles dans un pays jusque-là fermé à tout modernisme. C'est, autrement, un nouveau visage de l'Arabie Saoudite qu'il veut forger avec notamment son programme de réformes économiques adossé à la vente de 5% de la principale compagnie pétrolière du pays et, surtout, un ?'islam plus tolérant et ouvert'' au monde.

C'est pratiquement en tant que ?'vice-roi'' qu'il sera donc accueilli en Grande-Bretagne, puis à Washington et Paris. Ces trois capitales vont en effet dérouler le tapis rouge pour le prince héritier dont le roadshow à Londres et Washington, en attendant la confirmation de l'escale parisienne, a des allures de marketing politique et économique pour montrer qu'il est dorénavant l'homme fort du pays et qu'il peut prendre des décisions importantes. Et, à ce titre, qu'il peut revendiquer auprès de l'administration Trump un soutien militaire et stratégique plus ferme dans le bras de fer actuel avec Téhéran et dont le petit Yémen et son peuple sont en train de faire les frais. Dans un silence international assourdissant, contrairement à ce qui se passe en Syrie.

Dès lors, la visite en Grande-Bretagne et surtout à Washington du prince héritier saoudien a déjà pris les contours d'un soutien franc et sans ambiguïté à la stratégie américaine, sous le mandat de Trump, au Proche et Moyen-Orient, un alignement qui ne fait pas que des heureux. Car dans cet « échange de bonnes manières », la sécurité d'Israël vaut bien des compromissions et le Qatar comme l'Iran, mais surtout la Palestine, l'auront compris.