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Sauver l'école

par Mahdi Boukhalfa

Sauf imprévu de dernière minute, les enseignants du secondaire, en grève ouverte depuis au moins un mois, reprendront les cours ce jeudi. Le bras de fer entre leur syndicat, le Cnapeste, et le ministère de l'Education nationale, qui perdure du reste depuis 2014, aura été levé, sans vainqueur ni vaincu.

 Selon des indiscrétions, le Cnapeste a décidé, à l'issue d'une session marathon jusque tard dans la nuit de mardi à mercredi, de geler son mouvement de protestation. Le porte-parole du syndicat a reconnu qu'il s'agit d'un «geste» fait à la suite d'interventions «en haut lieu». Même s'il n'y a eu aucune discussion avec le ministère, qui a fermé ses portes à tout dialogue avec le Cnapeste, selon des déclarations de responsables du ministère, tant que ce syndicat ne gèle pas son mouvement de grève, les enseignants du secondaire vont rejoindre leurs établissements aujourd'hui.

Le blocage de la situation dans le secteur de l'Education nationale, au même titre d'ailleurs que dans celui de la Santé, a pris les allures d'un pourrissement, et la situation allait échapper à tout contrôle. D'autant que les responsables du ministère de l'Education nationale, se croyant dans leur bon droit, ont procédé au licenciement, illégal selon le Cnapeste, d'enseignants grévistes du secondaire. Une fuite en avant de toutes les parties de ce bras de fer tout aussi improductif qu'inutile, puisque, après plus d'un mois de grève dure et des cours ratés par des centaines de milliers de lycéens, particulièrement dans trois wilayas, tout rentre dans l'ordre.

Même le ministère lâche également du lest, la ministre elle-même ayant annoncé mardi que des dispositions urgentes ont été prises pour réintégrer les enseignants «licenciés». La ministre doit composer avec la réalité. Autrement, ni le ministère, encore moins les syndicats, dont le Cnapeste, n'ont à aucun moment pensé à réduire la fracture ou colmater les brèches qui lézardent de plus en plus le secteur de l'Education. Et, au milieu des revendications socioprofessionnelles des uns et des autres (au-delà de leur caractère légitime ou non), le jusqu'au-boutisme et le refus de voir les vrais problèmes du secteur autrement qu'à partir de positions figées, il y a tous les dépassements, les carences dans la prise en charge de la demande sociale.

Il aura fallu donc une intervention «en haut lieu» pour inciter les «belligérants» -car il faut bien qualifier de guerre cette lutte entre le ministère et les syndicats- à plus de raison, de clairvoyance et, surtout, qu'ils ne sont ni les gardiens du temple ni les dépositaires d'un ordre établi. Ni dans un sens ni dans l'autre. Mais juste des animateurs appelés un jour à passer la main, pour le bon fonctionnement de l'école algérienne dont dépendent l'avenir du pays et la pérennité du système éducatif.

A ce stade d'une lente convalescence, beaucoup de questions se posent, même si elles resteront pour la plupart sans réponse. Car le système actuel de la gouvernance dans notre pays n'est pas soluble dans une certaine traçabilité des actions du gouvernement, tout comme la transparence souhaitée sur qui décide quoi dans cette crise dans l'Education nationale et à quel moment elle doit s'arrêter. Dans tous les cas de figure, les victimes de cette guerre de leadership dans l'Education nationale ne sont pas celles que l'on soupçonne. Comme un tsunami, la crise ne peut choisir ses victimes. C'est l'école algérienne qui a un besoin pressant d'être sauvée.