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A petites foulées

par Mahdi Boukhalfa

L'Algérie n'ira pas de sitôt grossir les rangs des 164 pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle a décidé, selon le ministre du Commerce, de prendre tout son temps. M. Mohamed Benmeradi a décrété cette dramatique sentence : «On ira à notre rythme». Entre 1987, plus précisément le 17 juin 1987, et 2018, l'Algérie n'a pas manifesté une réelle volonté d'aller négocier de vrais accords d'adhésion, mais s'est illustrée par des valses-hésitations qui en disent long sur sa capacité à intégrer un marché mondial des biens et des services très exigeant, très pointu et qui ne s'alimente pas de demi-mesures. La messe a été dite par le ministre: «Le dossier est en cours. La demande d'adhésion a été déposée depuis 25 ans. Nous sommes toujours demandeurs, mais nous irons à notre rythme».

Un détail important semble échapper à l'actuel ministre du Commerce : sur les tablettes de l'ancêtre de l'OMC, le GATT, le groupe de travail pour l'accession de l'Algérie avait été établi le 17 juin 1987. Et, au rythme de l'actuel gouvernement, le pays restera toujours le dernier de la classe, car au moment où les Algériens veulent couper un cheveu en quatre, les pays ayant des biens et des services à mettre sur le marché mondial avancent également, eux, à leur rythme. Un rythme qui ne laisse aucune chance aux hésitations, aux politiques approximatives, mais plutôt résolument engagés dans la production et la distribution de biens et de services qui font tourner le commerce mondial, les marchés boursiers, la finance internationale, le marché des innovations et de la haute technologie et, plus que tout, apportent aux pays producteurs sécurité et confort social.

Les économies hyper-protégées comme la Chine, les Etats-Unis, les pays du G7 ne peuvent être comparées à notre très modeste appareil de production qui n'est pas capable de produire le moindre bien ou le plus petit service, comme un marché local du tourisme, susceptible d'être mis sur le marché international. Cette utopique adhésion de l'Algérie à l'OMC est bien au contraire alimentée non pas par les hésitations coupables de tous les ministres du Commerce et les chefs de gouvernement qui se sont succédé depuis 1990, y compris par M. Ouyahia, mais par cette sécheresse, ce désert qui caractérise le secteur productif algérien. Hormis quelques produits agricoles qui se comptent sur les doigts d'une seule main, l'économie algérienne n'a presque rien à mettre sur le marché international. Alors, que l'Algérie aille à son propre rythme, c'est-à-dire pinailler sur le moindre détail pour gagner du temps, ou accélérer la cadence en concédant des concessions aux principaux pays membres de l'Organisation, Etats-Unis et Union européenne en tête, c'est du «kif-kif».

Entretemps, ces laborieuses négociations auront consommé autant d'ambassadeurs de l'OMC chargés de mener ces discussions avec l'Algérie que de ministres algériens. Le dernier arrivé va faire, comme ses prédécesseurs, du surplace sur ce dossier, car dans le fond l'Algérie ne discute pas les termes de l'introduction de ses produits dans les pays membres de l'OMC, mais plutôt de ceux de l'introduction sur le marché national des biens et services des 164 adhérents de l'OMC sur les 193 Etats membres de l'ONU. Y compris Trinité et Tobago. Beaucoup s'interrogent en effet sur les raisons de cette extrême lenteur des négociateurs algériens, ou plutôt les différents gouvernements algériens, à freiner des quatre fers pour retarder un protocole d'accord d'adhésion qui aurait dû être signé bien avant la décennie 2000. Dommage, car un accord à l'OMC aurait aidé l'économie algérienne à se réveiller d'un long sommeil.