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Un aveu cinglant

par Mahdi Boukhalfa

L'aveu est d'un éminent acteur de la société civile, médecin de profession. Le secteur de la Santé est dans une «situation catastrophique». Le Pr Khiati n'a pas pris de gants pour décréter que la Santé dans notre pays est malade. En faisant ce terrible aveu, sans pour autant jeter l'anathème sur telle ou telle partie, ou accabler telle ou telle corporation, il a surtout fait le constat que tous les Algériens décrivent et que les autorités semblent ignorer. La grève actuelle des médecins résidents, qui dure depuis au moins deux mois, donne non seulement toutes les raisons du monde à l'opinion publique pour mettre dos à dos les grévistes et leur tutelle, mais surtout pour dénoncer le peu de célérité des autorités pour trouver des solutions urgentes et justes à ce bras de fer.

La vox populi a raison de dire qu'en définitive ce ne sont que les enfants du peuple qui vont dans les hôpitaux du pays et que toute grève dans ce secteur ne va retomber fatalement que «sur la tête» du pauvre citoyen, obligé de prendre son mal en patience. En fait, la durée trop longue de ce conflit des médecins résidents donne cette piètre image des pouvoirs publics, et du gouvernement à travers son ministre de la Santé, qu'ils ne sont pas capables de trouver des solutions aux problèmes qu'ils ont eux-mêmes créés. C'est l'Etat qui a décidé d'instituer le service civil pour les médecins, avec en sus un statut obligatoire pour la plupart des spécialités. Dans le même temps, les médecins, comme tous citoyens, sont également astreints au service militaire, certes réduit à 12 mois. Pour autant, ils sont les seuls universitaires à faire deux types de services, l'un militaire, l'autre civil.

Il y a quelque part une sorte d'injustice contre cette corporation et il faut l'admettre, quitte à ce qu'on soit taxés de subjectivisme. Mais, les faits sont là, têtus: les médecins algériens font du 2 en 1. En plus, l'Etat, à travers les collectivités locales, n'a rien fait pour attirer les jeunes médecins dans des régions souvent dépourvues du minimum de conditions de vie pour leurs familles, et sont jetés du jour au lendemain, par une simple affectation, dans une incroyable aventure professionnelle et sociale. Cependant, la mesure se justifie quant à elle par le manque important de spécialistes ou de médecins tout court dans les structures hospitalières dans les hauts plateaux ou dans le sud du pays. Et c'est là où réside le nœud gordien, le cri de détresse des médecins envoyés dans le Sud sans moyens et les populations de ces régions pas encore guéries du «manque de tout, y compris d'un médecin».

L'annonce d'Ouyahia d'octroyer une prime d'installation aux médecins résidents dans le cadre du service civil vient non seulement trop tard, mais elle a pris la forme d'une «sadaka» pour une corporation qui n'avait demandé que des conditions de travail confortables, pour eux et leurs familles. Une proposition qui vient trop tard, car les médecins résidents sont passés à d'autres revendications. Cela résume l'incapacité de nos gouvernants à être réactifs aux problèmes de la société algérienne. Ni plus ni moins. Et, très souvent, quand les vraies solutions arrivent, il est déjà trop tard pour colmater les brèches d'un énorme gâchis.