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Accusations

par Mahdi Boukhalfa

Le ministre n'est plus là pour se défendre. Car l'accusation est grave. Et le touche tout autant que le gouvernement au sein duquel il était en fonction. Il s'agit bien évidemment de l'ex-ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, accusé d'avoir bradé des entreprises nationales. Vrai ou faux ? L'ex-ministre de l'Industrie, accusé ouvertement par un concessionnaire automobile et la responsable d'un parti politique, a été également cité nommément il y a deux années dans le scandale des Panama Papers, ce qui à l'évidence jette une ombre sur les nominations aux plus hautes fonctions de l'Etat.

Qu'un ministre de la République soit cité dans un scandale de fuites de capitaux à l'international, et qu'il n'est pas poussé à la démission, c'est une chose. Mais qu'il soit directement accusé dans son pays d'avoir pesé sur des choix économiques sensibles impliquant l'avenir d'entreprises publiques et privées, en plus d'avoir favorisé des milieux d'affaires qui lui sont proches dans des contrats publics au détriment de la transparence, est une autre chose plus grave, qui appelle en urgence à des clarifications devant l'opinion publique. Un ministre de la République doit être aussi transparent dans sa démarche que les fonctions dont il assume la mission, et à ce titre le gouvernement Ouyahia doit se saisir de cette question et d'établir toute la vérité sur ces déclarations qui visent au premier chef un ministre de la République.

Rétablir la vérité s'il le faut mais, surtout, ne pas détourner le regard de ces accusations. Car ces accusations jetées en pâture à l'opinion publique interviennent à un moment où l'exécutif compte serrer encore plus la ceinture en ciblant les subventions, en maintenant le rythme des hausses des prix, en abandonnant progressivement la politique des prix administrés et, surtout, en n'offrant ni possibilités d'emplois ni de hausses des salaires.

Le Premier ministre fonce en réalité tout droit vers la case des restrictions budgétaires avec un impact direct et frontal sur le niveau de vie des Algériens, d'autant que la politique commerciale interdisant l'importation de presque un millier de produits va avoir des conséquences désastreuses autant sur la production nationale qu'une hypothétique relance industrielle. Le gouvernement est donc doublement interpellé pour rassurer l'opinion publique et, surtout, que les ministres sortants, dont A. Bouchouareb, ne sont pas impliqués dans des scandales économiques et financiers.

Car toute la politique du montage de véhicules en Algérie, décidée par l'ex-gouvernement Sellal et dont le chef d'orchestre était M. Bouchouareb, et que l'actuel exécutif soutient, a un besoin urgent de toilettage. D'abord dans la forme pour expliquer à l'opinion publique les choix sur les constructeurs «sélectionnés» et l'éviction d'autres qui sont les premiers constructeurs et vendeurs mondiaux. Inutile ici de les citer, mais le Premier ministre doit s'expliquer sur ses choix qui ont privilégié des partenaires industriels ne figurant pas dans le top 10 des grands constructeurs de voitures. Ensuite dans le fond pour justifier une politique du montage automobile qui va être autant sinon plus boulimique en devises, les véhicules sortant de ces usines étant importés presqu'entièrement montés. C'est enfin toutes ces rumeurs de malversations et de combines, qui font mal à une économie alitée, que le Premier ministre doit expliquer, à défaut de justifier.