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Quelles réformes ?

par Mahdi Boukhalfa

Ahmed Ouyahia aime les réformes. Il est également un homme politique qui excelle dans la mise en place de réformes. La différence sémantique entre les deux facettes du même personnage est que le Premier ministre a déjà mené des réformes sociales et économiques à la fin des années 1990 sous la conduite du FMI et qu'aujourd'hui sa perception personnelle de la situation économique et financière du pays le conduit à penser pour les autres et aller faire des coupes budgétaires là où c'est le plus risqué. Politiquement, économiquement et socialement.

Si au milieu des années 90 le pays devait se soumettre aux recommandations des institutions financières internationales pour sortir la tête de l'eau, étant en cessation de paiement avec un prix du baril à moins de 10 dollars, aujourd'hui les choses, dans le fond, diffèrent. Et, au lieu d'élargir les perspectives de prise en main de l'économie nationale, de limiter les effets financiers immédiats de la brusque baisse des recettes pétrolières, de libéraliser une fois pour toutes le système de production national, le gouvernement Ouyahia préfère les solutions de facilité. Comme toujours. Et les plus dangereuses, politiquement, socialement. Les coupes budgétaires que le gouvernement actuel veut effectuer sur les subventions et les transferts sociaux sous forme de réformes ne sont ni plus ni moins qu'une fuite en avant devant une réalité bien tangible: les subventions profitent à tout le monde, aussi bien industriels que commerçants et citoyens. C'est un fait établi.

Mais, le gouvernement, même s'il a raison dans le fond de vouloir rediriger ces subventions vers ceux qui le méritent, oublie ou même ignorerait pour autant que cette démarche est celle d'un régime autocratique, d'un Etat qui ne respecte pas les droits des citoyens dans le choix des politiques gouvernementales. Imposer aux Algériens des solutions hâtives, qui se retourneraient contre eux, même sorties tout droit d'un conciliabule nommé ?'groupe de travail'' et qui, fatalement seront abandonnées ou modifiées quelques années après, cela a un nom que nous n'osons pas utiliser ici. Mais juste que l'Algérie est une démocratie populaire. Toujours est-il que l'exécutif, avant d'aller plus en profondeur dans cette démarche de révision du système des subventions, doit au préalable, lui surtout, prendre les chemins de la bonne gouvernance, de la démocratie et ne pas rougir pour aller demander l'avis des Algériens.

Les bénéficiaires de ce système de subventions publiques ont quand même des représentants qui siègent au Parlement, et qui doivent être consultés, même si c'est pour la forme, sur les questions sociales impliquant directement la vie et le confort social des citoyens. Le gouvernement que dirige le SG du RND, seconde force politique du pays par les statistiques, gagnerait ainsi la confiance populaire et celle de ses partisans en ne fermant pas la porte d'une consultation nationale, d'un débat même au niveau des élites politiques, des associations et de la société civile sur la meilleure manière de faire parvenir aux concernés l'aide financière de l'Etat sous forme de subventions.

Tout ceux qui se sont servis grâce aux failles de ce système sont également des Algériens, et donc la problématique n'est pas tant de diaboliser les ?'indus consommateurs'' et de sanctionner les destinataires de l'aide publique, mais d'ouvrir le champ de la réflexion aux experts et représentants du peuple pour voir comment réviser ces subventions publiques, les rendre plus efficaces et plus imperméables aux ?'fuites''. Et, surtout, il ne faut pas que le gouvernement se sente dépositaire des intérêts du peuple, car légalement il y a des institutions qui le représentent.