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Otages du roi

par Mahdi Boukhalfa

Mohamed VI, le roi du Maroc, s'est une fois encore illustré par ses faux bonds. Il a reporté la visite d'Etat que devait effectuer du 9 au 11 janvier son homologue espagnol le roi Felipe VI. L'annulation de cette visite d'Etat, durant laquelle le monarque espagnol devait présider un forum économique, fait rager à Madrid, comme elle remet au goût du jour les lubies et les attitudes fantasques d'un roi qui a pris en otage le Maghreb et son développement.

Ce genre de revirements n'est pas nouveau chez un chef d'Etat qui n'a jamais fait un quelconque geste de bonne volonté pour l'amélioration des relations politiques au Maghreb. Pis, il a bloqué toute issue à l'un des plus vieux conflits territoriaux dans le monde, la question sahraouie, en maintenant le Sahara Occidental sous sa domination et en refusant toute solution démocratique qui ouvrirait la voie à une nouvelle ère politique dans la région. L'Espagne est-elle en train de payer sa politique plutôt favorable à une solution politique, démocratique, au conflit du Sahara Occidental ? Ce qui est, par contre, évident, c'est que les autorités espagnoles ont mal reçu cette deuxième volte-face du roi du Maroc, après l'annulation d'une première visite, fin novembre dernier, et qui avait été même proposée par le palais royal marocain.

Pour beaucoup, il s'agit clairement d'un boycott qui ne dit pas son nom à l'égard de Felipe VI et de ce qu'il représente, l'Espagne, qui a adopté une position moins encline à donner raison à Rabat sur le dossier du Sahara Occidental, contrairement à la France qui est le premier soutien de la proposition marocaine d»'autonomie» de ce territoire, occupé par Rabat il y a 42 ans après le retrait des Espagnols. Rabat rend-elle la monnaie de sa pièce à Madrid qui soutient et héberge les militants du Polisario ? En leur donnant sur son sol les conditions de lutter pour leur indépendance ? Il est clair que le Maroc a moins d'emprise sur une monarchie constitutionnelle comme l'Espagne où la classe politique est majoritairement favorable à une solution démocratique au Sahara Occidental. Ce qui n'est pas le cas malheureusement pour la France dont la classe politique et même les médias ignorent par cécité politique totalement les dessous économiques sordides de l'occupation du Sahara Occidental.

Les sautes d'humeur du roi du Maroc sont connues: avant le roi Felipe VI, il y avait le président guinéen Alpha Condé qui a attendu en vain Mohamed VI qui a également fait faux bond au Premier ministre russe Dmitri Medvedev début octobre denier. Les observateurs estiment cependant que le roi du Maroc passe plus de temps dans les magasins et les stations de ski en France, un pays allié et premier soutien de la politique d'occupation marocaine du Sahara Occidental, et à l'étranger que dans son pays où le marasme social déborde le gouvernement El Othmani. Il y a d'abord cette «protesta» actuelle dans le nord-est du pays, à Jerrada, près des frontières avec l'Algérie, où la population locale est sortie dans la rue demander l'amélioration de ses conditions de vie.

Dans la région martyre du Rif, la crise économique reste vive, le climat social tendu, les persécutions policières également, car après les interventions arbitraires des forces de sécurité au printemps dernier lors de manifestations anti-pouvoir des populations rifaines, plus d'une cinquantaine de militants du Hirak attendent leur procès dans des conditions de détention inhumaines. A l'échelle régionale, le Maghreb des peuples n'avance pas. L'UMA est devenue une chimère, une peau de chagrin. Le non-Maghreb a un coût et le Maroc, un pays géré par procuration par un gouvernement qui a les mains liées par un monarque encore sous l'emprise de caprices d'enfants, le sait.