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Austérité, les non-dits

par Mahdi Boukhalfa

Du pain sec et de l'eau. C'est en quelque sorte le régime drastique réservé aux Algériens par le Premier ministre pour l'année 2018 et les années suivantes, selon le calendrier d'application du financement non conventionnel. Devant les sénateurs, M. Ahmed Ouyahia a rappelé jeudi que les finances du pays sont au plus bas, que les recettes pétrolières ne sont pas encore au niveau souhaité et que donc il faut rationaliser les dépenses publiques. Le Premier ministre, très peu offensif sur certains grands chantiers économiques, a confirmé que son gouvernement va travailler dans l'austérité, entrer en autarcie et tout ce qui n'est pas nécessaire sera éliminé. Il a surtout affirmé que les projets non prioritaires seront gelés et que les dépenses publiques seront consacrées aux projets prioritaires en cours ou dont les études ont été achevées.

Pour autant, l'essentiel de la dépense publique pour 2018, Ouyahia ayant réaffirmé que l'option de l'endettement extérieur est à écarter, ira à deux ou trois secteurs seulement, soit la santé, l'éducation et les projets d'infrastructures et d'habitat. Ses propos sont sans équivoque: «la décision de gel de certains projets de développement a été prise selon des critères objectifs en accordant la priorité au financement des projets publics prioritaires dont les travaux ont déjà démarré au titre des dépenses prévues, en sus des projets qui connaissent un important taux d'avancement ou ceux finalisés. Il s'agit aussi des projets dont l'étude de faisabilité a été parachevée». Donc, pas un centime pour les projets des autres secteurs, ce qui est annonciateur d'un gel de l'activité économique dans beaucoup de secteurs créateurs de croissance et d'emplois. Même le BTP est concerné par cette décision de rationalisation des dépenses publiques, ce qui peut être traduit par un arrêt brutal de l'activité des métiers tirés par le BTP. Ce qui en termes de coût économique vaut plusieurs points de croissance.

Le danger d'une telle démarche est qu'elle va pratiquement accélérer le ralentissement des activités économiques des deux secteurs, privé et public. Et, fatalement, s'accompagner par une morosité généralisée sur le front économique, avec une baisse des investissements et un recul de la croissance. En annonçant que seuls les projets prioritaires seront financés par la dépense publique, Ouyahia refroidit en même temps les investisseurs qui dès lors préfèrent ne pas s'engager sur des sentiers incertains. D'autant que sur le front de la gestion du commerce extérieur, c'est vraiment l'impasse, avec des décisions qui font peur aux investisseurs. En particulier dans le secteur de la mécanique et de l'automobile, où le gouvernement a donné lieu à une grande cacophonie dans la sélection des opérateurs devant procéder au montage automobile.

Bref, le gouvernement Ouyahia donne l'image d'un exécutif prisonnier d'une logique démentielle qui consiste à ne pas financer le développement économique créateur de croissance, d'emplois et de richesse et opte pour des dépenses publiques centrées sur des secteurs sans valeur ajoutée. En fait, ce gouvernement donne l'impression, sinon les apparences d'un exécutif qui est là pour «expédier les affaires courantes», gérer une période économique difficile, dépenser le moins possible, en attendant d'éventuelles opportunités politiques nouvelles à l'orée de 2019. Même le rebond des prix pétroliers sur les marchés internationaux, avec une hausse de plus de 18% des recettes pétrolières en 2017 par rapport à 2016, n'a pas réussi à calmer les frayeurs du gouvernement. L'avertissement sur cette politique de l'autruche est venu une fois encore de l'extérieur sous la forme d'un «warning» du centre d'études Oxford Business Group (OBG), qui tance le gouvernement sur sa propension à trop compter sur le pétrole comme unique source de revenus et fermer les vannes de l'investissement. Une politique de perdants et qui expose toujours le pays aux chocs externes.