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Les réponses aux vrais problèmes

par Mahdi Boukhalfa

Le système actuel de retraite en Algérie serait gravement menacé. Autant par les faibles fondamentaux économiques que par les réponses conjoncturelles du gouvernement à un problème structurel. Jamais, depuis la première secousse de 2006 où les caisses de la CNR étaient dramatiquement à vide, le système de retraite n'a provoqué autant d'interrogations, de vives inquiétudes des acteurs sociaux. Depuis 2014 et le début de la crise financière, la CNR bat en fait de l'aile. Le départ anticipé de dizaines de milliers de travailleurs du secteur de l'Education nationale a encore affaibli la Caisse, au point que le gouvernement adopte des mesures draconiennes et que l'actuel hésite à aggraver par des mesures impopulaires.

La suppression des départs à la retraite avant l'âge et le recul à 60 ans n'a été entre 2015 et 2016 qu'une demi-mesure, car elle n'a pas en réalité apporté les vraies réponses au vrai problème: la baisse des cotisants. Le gouvernement d'Ahmed Ouyahia est en train de marcher, hélas, sur les traces de ses deux prédécesseurs : farfouiller dans les dédales de la fiscalité pour trouver des gisements nouveaux et alimenter directement la CNR. La loi de finances 2018 contient ainsi deux dispositions pour cet objectif, et assurer ainsi dans la quiétude sociale les pensions de retraite aux plus de 2,9 millions de retraités algériens. Soit, selon des chiffres documentés auprès de la CNR, près de 86 milliards de dinars de pensions distribués mensuellement. Et la facture serait encore plus lourde dans un proche avenir, avec un chiffre ahurissant: 1.000 milliards de dinars, soit environ 10 milliards de dollars.

Ce qui explique que le gouvernement a instauré dans la loi de finances 2018 une taxe de 1% sur tous les produits importés et, surtout, augmenté le taux de cotisations de 17% à 18% à partir de janvier 2018. Ces états généraux traduisent en réalité l'extrême précarité de la CNR et, au-delà, des grandes menaces qui pèsent sur le système de retraite, faut-il le reconnaître, très avantageux mis en place dans le pays. Pour autant, si le gouvernement drible tout son monde en allant chasser sur les terrains de la fiscalité, en tendant également la main aux opérateurs activant dans l'informel pour intégrer la sphère économique, et donc améliorer le nombre de cotisants, il ne fait rien en retour pour créer les conditions économiques de création d'emplois et donc de nouveaux cotisants. La crise financière semble tétaniser ce gouvernement et les précédents, au point d'oublier que la seule source de financement du système de retraite reste l'emploi, la création de postes de travail, la croissance économique qui se traduit par une amélioration du niveau des cotisations, et donc de la bonne santé financière des caisses de sécurité sociale, dont la CNR.

Le recours du gouvernement à des taxes pour alimenter les caisses sociales est un aveu d'échec et le symptôme révélateur d'une politique sociale limitée dans le temps, dangereuse. Le gouvernement n'a d'autres choix que de trouver des solutions urgentes, durables, sans démagogie ni populisme, pour garantir les seuls territoires de survie des Algériens qui n'attendent plus rien de l'avenir. Car il serait dramatique que des centaines de milliers de retraités se retrouvent du jour au lendemain dans la précarité, leurs ressources menacées. Et, surtout, que l'âge de départ à la retraite soit, comme solution de facilité, repoussé au-delà de 60 ans. Un drame social avec de fâcheuses conséquences économiques. Un défi social de plus pour le gouvernement qui bénéficie, en ce début de 2018, de la baraka d'un prix du brut dans le vert.