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Macronisme

par Mahdi Boukhalfa

La visite du chef de l'Etat français à Alger a pris des contours surréels. Plus qu'une visite d'Etat de quelques heures, ce qui en soi est déjà un affront à une certaine chaleur des relations entre les deux pays, la présence d'Emmanuel Macron à Alger relève plus du caractère symbolique lié à la personnalité du président français qu'à un déplacement avec un agenda chargé. Pour les plus sceptiques sur cette visite, qu'ils refusent de qualifier de «visite de travail», Macron étant annoncé en début d'après-midi pour repartir en fin de soirée, il s'agit surtout d'un geste amical et de bonne volonté envers les autorités algériennes. Car le nouveau président français a en quelque sorte rompu aux habitudes protocolaires et diplomatiques entre Alger et Paris.

Il était en effet recommandé pour un chef d'Etat français nouvellement élu de réserver sa première sortie au Maghreb à l'Algérie. Cela en a été ainsi depuis Mitterrand. Macron a tout chamboulé en rendant visite au Maroc, ce qui a irrité plus d'un à Alger, mais les apparences diplomatiques ont été sauvées avec l'annonce en juin dernier d'un tout «prochain déplacement» en Algérie pour rencontrer le président Bouteflika. Et reprendre le fil de la discussion avec les autorités algériennes là où il l'avait laissé lors de sa campagne électorale qu'il a menée à Alger. Le président français est connu dans les milieux de la finance en Europe pour être quelqu'un qui travaille sur le court terme, mais qui, en revanche, est plein de contradictions et peut changer de camp à tout moment. Cela avait été constaté par ses adversaires comme par sa famille politique. Et, au final, il malmène avec une superbe jamais enregistrée jusque-là pour un président français les relations franco-africaines.

Certains y verront un nouveau visage pour la diplomatie africaine de la France que veut mettre en place Macron. D'autres lui reprochent sa légèreté dans ses relations avec ses homologues africains, l'épisode du Burkina Faso ayant montré de quelle manière il traite ses homologues d'Afrique. A Alger, Macron, qui n'aura d'autre agenda politique que celui de préparer la prochaine réunion de la haute commission mixte, sera attendu pour les déclarations qu'il va faire et en particulier sur sa reculade sur «les crimes de guerre» de la colonisation en Algérie. Tout le monde sera curieux de savoir comment il a tourné sa veste à son retour en France et comment il a su hypnotiser tous ses détracteurs qui lui ont reproché une position courageuse, qu'il a vite d'ailleurs abandonnée, sur les crimes de la colonisation française en Algérie. Ses changements intempestifs de position, de posture sur de nombreux dossiers, y compris avec l'Algérie, ne devraient pas trop faire avancer les nombreux projets de coopération actuellement gelés. Ni encore plus inciter les grands investisseurs français, dont ceux de la pétrochimie, l'industrie, à (re) poser pied en Algérie. Encore moins à envisager un accroissement des IDE français.

Pour beaucoup, la visite de Macron à Alger sera plus protocolaire que réellement centrée sur un agenda nouveau de la relation entre les deux pays à construire mutuellement. Entretemps, beaucoup de dossiers, y compris sur le volet culturel, les questions consulaires, celles plus intimes relatives à l'histoire commune dans le domaine des archives et des antiquités muséales prises par la France que l'Algérie espère récupérer, seront zappés. Macron viendra à Alger pour ne pas fâcher les uns et les autres. Il n'y fera qu'une escale tactique pour aller ailleurs signer de gros contrats énergétiques et reconstruire l'autorité bafouée de la France dans les pays du Golfe.