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Vert ou Noir

par Mahdi Boukhalfa

En temps normal, tout le monde et en particulier les agriculteurs diront que cette année sera une bonne année agricole. Le retour de la pluie et la neige sur l'ensemble de la partie nord du pays, avec des routes coupées par les intempéries, et surtout l'amorce d'un hiver rude sont annonciateurs effectivement d'une bonne année céréalière. C'est de bon augure également pour l'aliment du bétail et les éleveurs devraient déstresser après presque un mois d'octobre sans pluie. Du coup, les prévisions passent au vert avec du fourrage pour le bétail, ce qui devrait se convertir par une baisse des prix des viandes rouges et, surtout, de bonnes prévisions de récolte céréalière.

Dans tout pays dont l'économie est basée sur l'agriculture, une bonne pluviométrie est synonyme de bonnes récoltes et donc de hausse du PIB et de la valeur ajoutée agricole. Pourtant, avec de maigres performances durant ces deux dernières années, seulement 1,6% en 2016 et un peu plus de 2% en 2015, le secteur agricole en Algérie est loin de constituer un réel facteur de croissance économique. Tout juste pour rafraîchir la courbe des prix. Et, au-delà, il est patent que le secteur agricole, avec ou sans ?'pluies'', ne contribue tout simplement pas à la croissance, encore moins à la constitution d'une accumulation primitive de capital de nature à gonfler les investissements productifs. Et libérer le pays du cercle infernal des importations de nourriture.

Le fait est que tous les gouvernements successifs, avec les missions attribuées à la politique économique, n'ont jamais donné d'autres objectifs au secteur agricole que celui de mettre sur le marché une quantité suffisante de nourriture. Dès lors, qu'il pleuve, qu'il neige ou pas, cela n'aura aucune autre incidence sur le secteur agricole que celle d'avancer ou reculer les labours et les semailles. Pour le reste, il y a la climatologie des prix du brut qui alimente la mamelle de l'Etat et les banques pour gonfler ensuite les subventions aux agriculteurs, soutenir financièrement un secteur qui n'a pas encore appris à produire pour créer une valeur ajoutée exportable. A contrario, les bonnes conditions climatiques actuelles propices pour des plans d'investissements agricoles ne seront pas exploitées pour améliorer les rendements, car il y a eu en même temps un autre événement positif pour l'économie nationale. C'est l'accord entre pays Opep et non-Opep qui a remis sur les rails la hausse des cours de l'or noir et qui a redonné le sourire aux décideurs plus que les prévisions climatologiques, bonnes en Algérie seulement pour la production de fourrages et l'aliment du bétail.

Le pétrole reste ainsi le seul paramètre et l'unique indice de la croissance économique du pays, dès lors que les décideurs n'ont pas encore libéré complètement le secteur agricole et lui ont donné des missions autres que celles de nourrir un peu plus de 40 millions d'Algériens. La raison est que le poids de la rente pétrolière dans la formation du capital en Algérie a chloroformé toute tentative de donner autant à l'agriculture qu'à l'industrie leur importance dans la croissance économique du pays. Ailleurs, même au Maghreb, une bonne pluviométrie conditionne une baisse du coût de la vie avec une bonne production céréalière, une contribution de deux à trois points de base dans la croissance économique et un gel des importations, notamment des céréales. Pour les années à venir, avec la hausse de la consommation interne de produits d'hydrocarbures et un marché pétrolier aléatoire et une baisse encore plus dramatique des revenus pétroliers, il est vital d'inverser d'ici là cette logique et investir sur la seule richesse durable: l'agriculture.