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Enjeu des chiffres

par Mahdi Boukhalfa

La polémique a le mérite d'exister. Et d'animer d'une manière différente le débat sur les élections locales, avec cette interrogation sur le nombre exact du corps électoral qui va s'exprimer, demain jeudi 23 novembre, sur le renouvellement des Assemblées populaires communales et de wilayas. Le fait est que toutes les élections, tous les processus électoraux tenus depuis les années 1990 ont buté, question transparence et légitimité du verdict des urnes, sur le nombre exact du corps électoral, sinon sur celui des votants, et subséquemment le taux d'abstention. C'est une question cruciale quant à la légitimité des résultats de toutes les consultations. Et, à la veille de ces élections locales, dernière halte avant la présidentielle de 2019, la question du nombre exact du corps électoral a rebondi, et met mal à l'aise le gouvernement, comme elle donne du grain à moudre à l'opposition.

Dimanche dernier, le ministre de l'Intérieur avait annoncé, à titre indicatif, que le nombre, après révision exceptionnelle du fichier du corps électoral national, est de 22.878.056 électeurs. Il précisera que le chiffre exact sera connu dans quelques jours, les communes étant toujours en train de mettre à jour leur fichier électoral. Suffisant pour provoquer une autre guerre de tranchées, cette fois-ci sur le nombre exact du corps électoral appelé à voter jeudi 23 novembre. Récemment, l'inspecteur général du ministère de l'Intérieur avait expliqué, avant la révision exceptionnelle des listes, qui s'est achevée fin octobre dernier, que le fichier électoral national s'est accru de plus de 200.000 nouveaux électeurs inscrits, qui vont voter jeudi prochain. ?'L'opération sera achevée le 6 octobre après épuisement des délais de recours et sera suivie d'une révision annuelle, qui aura lieu au début du mois d'octobre, qui va nous permettre d'assainir encore davantage les listes électorales, et peut-être qu'on aura un plus au niveau du corps électoral'', a-t-il ajouté.

C'est ce plus, ajouté au chiffre pas tout à fait consolidé du ministre de l'Intérieur, qui fait que l'opposition comme les observateurs attendent d'avoir les vrais chiffres définitifs du corps électoral appelé à voter demain jeudi. Car cette posture, qui peut être rectifiée dans les heures qui viennent, est de nature à donner des arguments concrets à l'opposition pour contester la validité des résultats de ces élections locales, au moment où les organisateurs veulent assurer une crédibilité et une transparence à cette consultation. D'autant que des voix, à tort ou à raison, laissent penser qu'une fois encore, il y aura cette politique des quotas à distribuer entre partis, de sorte à faire éclater les voix des électeurs, et pour éviter, en outre, qu'il y ait un parti qui puisse obtenir la majorité absolue à ce scrutin.

Et pour maintenir en vie des partis sans assise populaire. D'autant que les deux partis, qui se disputent les commandes du pouvoir, le FLN et le RND, se livrent une guerre de leadership, qui risque de fausser ces élections. L'autre hantise des partis engagés dans ces élections, en particulier les grosses cylindrées de l'opposition, est que l'administration s'implique, d'une manière ou d'une autre, et ne fausse ces élections en prenant parti pour le FLN ou le RND.

C'est là une crainte évidente de l'opposition, justifiée ou non, qui n'a pas été évacuée jusqu'à présent de l'environnement des processus électoraux en Algérie. Le gouvernement a donné des assurances sur la transparence et l'équité dans lesquelles vont se dérouler ces élections locales. Mais, le risque est que l'enjeu de ces élections ne prime sur la consolidation de la démocratie, sur la transparence.