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Sortir du ghetto

par Mahdi Boukhalfa

La relation entre Alger et Paris est particulière. De tout temps, les deux capitales ont soufflé le chaud et le froid sur des relations qui ne peuvent être normales dans le sens diplomatique, ni sujettes à des postures dangereuses sur le plan politique. Sinon hypothéquant des espoirs immenses, des deux côtés, quant à la construction de relations enfin débarrassées des contingences de moments politiques ou économiques. La 4ème réunion du COMEFA vient à un moment particulier de ces relations algéro-françaises pour recadrer certains accords, certaines positions et, surtout, revoir certains mécanismes de défense et de coopération sécuritaire. Tout comme l'humanisation des rapports entre les deux pays qui ont des pans entiers d'histoire commune.

Durant le quinquennat de Hollande, les relations entre Alger et Paris ont connu des hauts et des bas, plutôt des bas que des hauts, et les Français n'ont jamais concrétisé leurs promesses d'investir massivement en Algérie, laissant des cases vides dans cette relation que veut bien entretenir de son côté l'Algérie. Car si Paris tient vraiment à chauffer ses bonnes relations avec Alger, elle a été très frileuse à le montrer jusqu'ici en tout cas. Depuis 2012 et la visite de Hollande à Alger, les relations notamment économiques entre les deux pays ne se sont pas améliorées et l'installation d'une usine Renault en Algérie, comparativement aux promesses du Medef, a pris l'aspect désespérant d'une hirondelle.

Certes, l'arrivée de Macron à l'Elysée est positive pour les milieux d'affaires français, mais vue de l'extérieur, et plus précisément d'Alger, elle n'a pas encore montré les vraies intentions du président français et, surtout, son agenda pour l'Algérie. En réalité, le président français n'a pas montré, depuis sa victoire à la présidentielle en France, la nature des relations qu'il compte mettre en place avec l'Algérie. Rien, aucun signe positif, d'autant que la promesse d'une visite à Alger tout de suite après sa victoire tarde à se concrétiser. Le fait est que, depuis son arrivée au pouvoir, Macron n'a pas donné assez de visibilité aux relations qu'il compte mettre en place ou poursuivre avec l'Algérie. C'est un fait, et cela est d'autant plus étrange que le chef de l'Etat français n'hésite pas à aller au secours des groupes pétroliers français en difficulté avec les derniers développements entre l'Arabie Saoudite et l'Iran où le géant pétrolier Total est installé.

Bref, la rencontre ce dimanche entre les chefs de la diplomatie des deux pays devrait mettre à plat certains aspects de la coopération algéro-française. Les dossiers chauds seront également décryptés, mais il sera question surtout de recontextualiser les relations économiques entre les deux pays. En particulier la reprise de certains dossiers laissés en suspens par l'ex-gouvernement Sellal, dont celui de l'industrie automobile. Plus globalement, les deux parties ont un agenda serré, autant sur le plan sécuritaire dans la sous-région sahélienne et en Libye que sur le plan économique avec un partenariat qui bat de l'aile, en dépit des déclarations de bonnes intentions des Français. C'est en fait ces «un pas en avant, deux pas en arrière» qui bloquent la coopération algéro-française et celle-ci, hélas, a toujours été minée par les crocs-en-jambe de la droite comme de la gauche, qui n'ont jamais pensé travailler avec sincérité pour améliorer les relations, autrement que sur le plan économique, d'ailleurs très timides comparativement au volume des IDE français dans les pays de la région, ou sécuritaire avec l'Algérie. L'arrivée d'un président «ni à gauche, ni à droite», proche des milieux de la finance internationale, va-t-elle peser sur l'amélioration des relations entre Alger et Paris ?