Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Eviter les ornières

par Mahdi Boukhalfa

D'importants déficits sont enregistrés par l'économie nationale au cours du premier semestre 2017 et qui mettent à néant les espoirs quant à leur maîtrise notamment à travers les restrictions aux importations. Les données que vient de rendre publiques la Banque d'Algérie confirment plus que jamais le stress financier du pays et les mauvais indicateurs de l'économie nationale. Le niveau du déficit commercial au 1er semestre est en fait plus important que prévu et culmine à plus de 7 milliards de dollars, ce qui à la fin de l'année devrait atteindre les 14 milliards de dollars, alors que les importations, malgré les nombreux tours de vis, devraient atteindre les 49 milliards de dollars.

Autre inquiétude, celle de l'érosion des réserves de change qui devraient descendre au-delà du seuil psychologique des 100 milliards de dollars à la fin de l'année, même si, au quatrième semestre, les tendances des prix sur les marchés pétroliers avaient été dynamiques, au-delà des 60 dollars. Mais, cela ne change rien à la donne actuelle de l'économie nationale qui a besoin de revoir des pans entiers de ses mécanismes de fonctionnement, à commencer par le système bancaire qui, malgré les restrictions aux importations, pose des conditions draconiennes pour le financement de projets agricoles ou industriels et n'arrive pas à créer les conditions voulues pour stimuler les investissements et, surtout, attirer les investisseurs.

La dernière note de la Banque d'Algérie laisse ainsi transparaître cet immense désarroi devant de grandes incertitudes financières, le fait étant que l'Algérie n'exporte plus rien en dehors des hydrocarbures et, à ce titre, sa position aussi bien à l'international qu'au niveau interne est extrêmement fragile. Le stock actuel des 100 milliards de dollars de réserves de change à fin juin dernier ne peut être rassurant et rappelle au gouvernement qu'il doit trouver vite des solutions alternatives à sa stratégie du financement non conventionnel. Et, à moins de retomber une fois encore entre les mains des institutions financières internationales, il est vital pour le gouvernement de remettre en selle les grands investisseurs, de ne pas bloquer les projets des capitaines d'industries, qui ne sont pas des milliers, et surtout de les soutenir et de mettre de côté les sensibilités politiques ou claniques. Il s'agit également d'aller écouter l'autre camp, l'autre vision du développement de l'économie et non pas adopter cette ruineuse position de l'autruche qui a fait partir non seulement de grandes compétences, mais également d'importants capitaux.

L'Algérie est vaste, avec beaucoup de ressources, et elle appartient à tous les Algériens. Il est temps que l'on fasse passer l'intérêt de tous les Algériens sur les intérêts de clans. Le gouvernement n'a pas beaucoup de marges de manœuvre pour éviter les gros nuages qui s'annoncent. Comme il ne doit pas céder à la tentation de la falsification d'une situation critique, car après que le matelas de devises soit consommé dans moins de 12 mois, il n'y aura plus que la planche à billets pour faire tourner « à vide » le pays. D'autant que le prix du baril, même s'il remonte à des fourchettes très intéressantes, ne sera d'aucune utilité en termes de recettes pétrolières dès lors que la consommation interne va dépasser dans les prochaines années le potentiel de production. On revient alors à la case départ et donc il ne faut plus perdre de temps à aller chercher des solutions démagogiques, trompeuses et limitées dans le temps au détriment de celles, certes difficiles et coûteuses, mais capables de sortir le pays de l'ornière.