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Le Maghreb bloqué

par Mahdi Boukhalfa

Le Maroc restera pour longtemps un obstacle majeur à l'unité au Maghreb. Il sera également un ennemi-farouche pour toute solution digne et consensuelle du conflit au Sahara Occidental. Et, plus que tout, brave avec des complicités connues pour leurs penchants néocoloniaux la légalité internationale et les appels de l'ONU pour la paix dans la région. Le roi du Maroc a, dans son discours télévisé lundi soir, mis sous le boisseau les espoirs nourris çà et là pour qu'enfin, et très rapidement, la question sahraouie soit réglée démocratiquement.

Hélas ! pour toutes les bonnes volontés, pour les peuples du Maghreb, une région aux riches potentialités humaines et économiques, le roi du Maroc a confirmé son entêtement à braver tous les efforts de la communauté internationale, et au premier chef des Nations unies, pour faire avancer les choses et aller vers des solutions consensuelles, dignes et démocratiques.

Depuis 1991, date du cessez-le-feu, Rabat refuse la tenue d'un référendum d'autodétermination au Sahara Occidental et bloque, du coup, toutes les tentatives de la communauté internationale pour aboutir à un dénouement négocié du conflit. Lundi soir, le Maroc colonial a donc fêté les 42 ans d'occupation du Sahara Occidental et, surtout, le jour de cette fameuse «marche verte» qui a mystifié le monde. «Aucun règlement de l'affaire du Sahara n'est possible en dehors de la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara» a été la sentence terrible et glaçante de Mohamed VI qui a, du coup, annoncé qu'il ne va pas coopérer avec l'envoyé spécial du SG de l'ONU pour le Sahara Occidental.

Une bravade de plus, qui détruit tout le travail fait jusque-là pour construire dans les prochaines années un Maghreb uni, ouvert au progrès social. Et fait reculer une échéance inéluctable au Sahara Occidental. Non, le Maroc ne semble même pas disposé à collaborer avec les Nations unies et travailler sur l'une des trois options mises sur la table de discussions gelées depuis près de cinq ans, hormis celle de l'occupation et de l'exploitation des richesses d'un peuple qui se bat pour avoir la possibilité de s'exprimer librement sur son avenir. En déclarant qu'il n'y aura pas de solution «en dehors de l'initiative d'autonomie», le Palais royal confirme ses prétentions coloniales et son hégémonie sur un territoire que la communauté internationale ne lui reconnaît pas.

Cette situation de «ni guerre ni paix» aux frontières de l'Algérie, aux frontières de la Mauritanie est en soi un acte inamical, un acte de guerre puisque Rabat ne veut ni renvoyer son armée dans les casernes, ni s'asseoir à la table des négociations pour trouver une issue rapide au conflit. Fatigués par les louvoiements de la puissance occupante, les Sahraouis également sont dans la même posture et leurs appels auprès de l'ONU pour que les soutiens du Maroc fassent entendre raison à leur «protégé» sont restés vains. La menace des armes n'est pas à ce stade de l'évolution de ce dernier dossier de décolonisation en Afrique et dans le monde, totalement à écarter.

Car en refusant catégoriquement toute autre solution que l'«autonomie», Rabat met en danger la paix et la sécurité des pays et des peuples de la région. Et, dans cette aventure sans fin, le roi du Maroc semble inconscient des dangers qu'il fait peser sur la région en affirmant son «refus catégorique de toute tentative de porter atteinte aux droits légitimes du Maroc, de toute proposition obsolète». Une déclaration qui torpille mieux que toutes les armes l'avènement d'un grand Maghreb, enfin réconcilié, tourné vers la croissance, le progrès social.