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Une révolution nommée «MBS»

par Mahdi Boukhalfa

Historique ! Du jamais vu depuis la prise de pouvoir des Al Saoud en Arabie Saoudite. Le nouvel homme fort du pays, Mohamed Ben Selmane (MBS), prince héritier et fils préféré du roi Selmane, est en train de placer progressivement ses pions pour, à un peu plus de 30 ans, prendre de manière légale, par succession, le pouvoir dans le pays. Mais, en attendant, il prépare le temps à cette échéance en éliminant d'abord ses potentiels adversaires et opposants, ensuite en y mettant sa propre touche, la modernisation du pays.

En conduisant pratiquement certains de ses cousins dans leurs geôles, après la purge de samedi qui a jeté en prison plus d'une dizaine de ministres, des princes et des hommes d'affaires dans la plus spectaculaire opération «mains propres» dans le royaume, MBS élimine du coup les éventuels adversaires, sinon ceux qui auraient pu comploter contre la «révolution» qu'il est en train de mener dans le pays. Celui qui a écarté le prince héritier Mohammed Bin Nayef de la course au trône, a engagé en réalité un ambitieux programme de modernisation sociale du royaume. Il est en train de transformer l'économie du pays en misant sur les secteurs créateurs de richesse, dont les services, et prépare l'après-pétrole. Sur l'un des sujets les plus tabous dans le pays, celui de la permission aux femmes de conduire des voitures, il a déjà gagné la bataille et les femmes seront autorisées l'année prochaine à conduire leurs voitures. Autre chantier, et non des moindres, la «modernisation de l'islam».

Bref, MBS veut redonner une autre image du royaume et entamer d'importants chantiers sociaux, économiques. Mais, pour cela, il faut passer par l'élimination de ses adversaires, de ces dissidents qui critiquaient sa politique étrangère musclée, notamment dans le boycott du Qatar. Ses réformes économiques, comme la politique de réduction des subventions de l'Etat, ainsi que la privatisation des entreprises publiques, étaient susceptibles de provoquer des blocages, sinon une opposition ouverte de ses adversaires politiques dans le royaume qui se recrutent même au sein de sa propre famille. La tactique de l'héritier du trône des Al Saoud est simple : étouffer dans l'œuf toute contestation interne à sa stratégie avant tout transfert formel ou officiel du pouvoir par son père, âgé de 81 ans.

Cependant, le nouvel homme fort du pays est déjà l'auteur de grands changements sociaux et économiques inédits, nouveaux, qui ont été salués par les Saoudiens dans un pays ultraconservateur. L'opération anticorruption menée dans la nuit de samedi à dimanche donne déjà une idée sur la manière de gouverner de celui qui, en principe, va succéder au roi Selmane : ouverture vers plus de droits sociaux aux femmes, réformes économiques et sociales tous azimuts pour dépasser une économie rentière basée sur le pétrole, privatisations des entreprises publiques, dont celles pétrolières, ouverture aux investissements et partenariat étranger et, également, la fin des subventions publiques, avec en toile de fond une politique étrangère ouverte aux intérêts américains, mais plus musclée envers l'ennemi de toujours, l'Iran et ses satellites.

Mais, pour le moment, le pays doit digérer le fait que d'influentes personnalités, jusque-là intouchables, soient mises en prison en attendant les conclusions de la commission d'enquête qui pourraient aller vers des procès retentissants. Et qui élimineront politiquement du coup tous les potentiels adversaires aux réformes que projette MBS. Avant même d'accéder au pouvoir.