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L'université en panne

par Mahdi Boukhalfa

Les scandales dans les universités du pays se suivent et se ressemblent. Le dernier en date, celui de la faculté d'Alger 3, ne sera pas le dernier. Le fait est que l'université, sinon l'enseignement en général en Algérie est en train de s'effondrer. Il n'y a plus de repères ni de barrières aux infamies, comme ces candidats doctorants «pistonnés» ou ces concours nationaux d'accès au doctorat falsifiés au profit des étudiants d'une faculté «du bled». Non, les scandales qui éclaboussent tout le système de l'enseignement supérieur dans notre pays ont atteint un tel degré de pourrissement que vouloir s'inscrire pour un doctorat est devenu une sorte de quête du «Graal».

Il ne faut plus se voiler la face, la corruption, le faux et usage de faux, le népotisme gangrènent irrémédiablement tout le système de l'enseignement supérieur. Au point qu'il suffit d'avoir quelqu'un aux «épaules larges» dans la famille pour accéder à l'examen du doctorat et l'obtenir, alors que des étudiants studieux, ambitieux, bosseurs n'arrivent même pas à décrocher ni même à s'y inscrire, faute de places pédagogiques. Que n'a-t-on vu des instituts n'ouvrir les inscriptions pour un doctorat que pour 6 à 8 places pédagogiques au maximum, quand la liste des prétendants dépasse la centaine de dossiers déposés. A partir de ce moment, il n'est plus étonnant de voir des chefs d'établissements universitaires accusés d'avoir favorisé des candidats au détriment d'autres. Autrement, il y a les mêmes professeurs accusateurs qui, à leur tour, favorisent leurs étudiants dans les épreuves d'accès au doctorat au détriment d'étudiants d'autres instituts ou d'universités d'autres régions.

Régionalisme aveugle, bête et idiot ? C'est une réalité, cette nouvelle règle selon laquelle les études supérieures se déroulent désormais dans notre pays, ce qui en soi confirme cette décadence globale et généralisée du niveau des universités algériennes. Et, ce qui chagrine le plus et renforce ce sentiment de dépit, c'est que le ministère de l'Enseignement supérieur n'a jamais esquissé le moindre geste, la moindre intention de donner un coup de pied dans la fourmilière. Les raisons sont-elles connues ? Ce qui est sûr, par contre, c'est que ce même ministère a présenté et obtenu du Conseil de gouvernement que les postulants à un doctorat peuvent l'obtenir sans passer par l'exigence académique de publier des travaux de recherches dans les revues scientifiques internationales. Ce qui, en l'espèce, rabaisse ce prestigieux diplôme à une simple épreuve et non l'aboutissement de travaux scientifiques et de recherches approfondies.

Une forfaiture ou une fatalité académique ? Peut-être les deux en même temps dans la mesure où cette démarche est suicidaire, néfaste pour l'université algérienne et, surtout, scie tous les espoirs des étudiants algériens de pouvoir un jour obtenir un doctorat reconnu dans les autres universités dans le monde. Car au rythme avec lequel l'université algérienne se ratatine, il ne serait plus étonnant que demain des arrêtés ministériels décrètent la fin de l'enseignement supérieur pour tous. Beaucoup iront grossir les rangs des diplômés chômeurs du système «LMD». Car on leur refuse, d'une manière ou d'une autre, d'aller vers un niveau d'études valorisantes, celles qui ouvrent les portes d'un emploi, d'un salaire, d'un avenir.