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Inélégances économiques

par Mahdi Boukhalfa

Voilà, on en sait maintenant un peu plus et dans le détail sur ce que veut faire le gouvernement pour 2018 : taxer. Taxer tout ce qui roule, qui vole, qui flotte, qui fume et qui brille. Le projet de loi de finances 2018 est tout sauf à caractère social. En plus impopulaire car tranchant dans le vif d'une précaire quotidienneté sociale. Les hausses des carburants vont-elles soulager le budget de l'Etat de ses déficits ? Assurément non ! Et, pourtant, force est de constater qu'encore une fois l'actuel gouvernement ne déroge pas aux sacro-saintes habitudes : taxer les carburants, quand ils sont au plus bas à l'international, pour réduire ses déficits.

Que représentent 61 milliards de dinars dans l'océan des besoins financiers du pays pour gérer 2018 ? En fait, le PLF 2018 renseigne énormément sur la précipitation avec laquelle il a été élaboré, sur la légèreté avec laquelle il s'adresse aux plus démunis et sur son inélégance vis-à-vis des petits contribuables, les plus de 70% d'Algériens, qui utilisent leurs véhicules pour aller travailler. Augmenter avec une telle propension les tarifs à la pompe va réduire encore plus le pouvoir d'achat des couches moyennes, accélérant dans la foulée l'aggravation des tensions sociales qui ont pour nom «chômage», «déscolarisation», «délinquance», «paupérisation», «mal-vie». Car taxer avec cette peu élégante manière ceux qui contribuent le plus aux recettes fiscales, les bas salaires et l'armée des fonctionnaires, c'est leur porter le chapeau de la débâcle économique et les errances de tous les gouvernements successifs depuis la dernière revue avec le FMI dans le cadre du plan d'ajustement structurel. Le peuple est-il responsable de cette dramatique crise économique, a-t-il une quelconque responsabilité dans cette descente aux enfers d'un pays que l'on présente à l'international aux avant-postes de la modernité et l'équité sociale ?

Le PLF 2018 va passer comme tel et il est évident qu'il n'y aura que peu d'amendements des députés. Le gouvernement Ouyahia donne ainsi cette glaçante image d'un exécutif aux abois, sans boussole, ni visibilité claire sur ce qu'il compte faire pour relancer la machine de la croissance économique. Les horizons seront encore plus sombres avec ces solutions de replâtrage qui sont même susceptibles de raviver de vieilles colères, de vieilles frustrations, d'anciennes blessures mal cicatrisées. Car ce projet de loi de finances 2018 renvoie à cette déprimante caricature d'un pays où le peuple est devenu une tirelire et que l'on veuille casser à tout prix en allant précariser des avenirs déjà compromis. Cette manière de concevoir le redressement de l'économie nationale n'a pas une once d'humanisme, elle est impopulaire, ne fera qu'exacerber les tensions sociales et ruinera les chances de relance de la croissance. Mieux, ce sera le développement du sous-développement.