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Manque de clairvoyance

par Moncef Wafi

On le savait, la question de l'immigration clandestine est un véritable casse-tête pour le gouvernement. Comme si les problèmes n'étaient pas suffisants et la crise pas assez corrosive, l'Algérie a prêté le flanc en se laissant déborder sur le plan humanitaire dans sa gestion approximative pour ne pas dire maladroite du dossier des migrants subsahariens.

Le premier couac est d'ordre communicationnel avec des déclarations dont on aurait pu faire l'économie et qui n'ont servi qu'à alimenter cette image de pays raciste qui nous colle à la peau. Le dérapage de Ouyahia et cette communication institutionnelle qui a enveloppé ce sujet ont contribué à enflammer la Toile avant que les réseaux sociaux ne soient pris en charge par un véritable maillage de faux comptes électroniques appelant et cultivant la haine. Au contenu clairement raciste et xénophobe, des internautes militent pour l'expulsion des migrants, les accusant ouvertement d'être impliqués dans des réseaux de prostitution, de trafic de drogue, d'escroquerie ou de faux billets. Les rendant même responsables de la propagation de maladies contagieuses. Cette déferlante a même poussé les services de sécurité à ouvrir une enquête judiciaire.

En évoquant la sécurité nationale, les voix qui se sont élevées pour dénoncer la dangerosité des réseaux mafieux des passeurs et leur connexion avec le risque terroriste, ne sont pas loin de la réalité. Alger sait pertinemment que cette question des migrants est devenue une carte de pression politique et économique mais de là à ce que la présidente du CRA accuse ouvertement des ONG nationales d'intelligence avec l'ennemi, il n'y a qu'un pas qu'elle a osé franchir. Ces organisations sont dans leur rôle de lanceur d'alerte et aux autorités de répondre aux attentes humanitaires dans le respect des chartes internationales. S'attaquer ainsi à des ONG et proférer de graves accusations sans l'once d'une preuve relève de la pure désinformation et discrédite l'action officielle qui n'avait pas besoin d'une riposte médiatique de cet acabit à des attaques biaisées.

Alger a de son côté la loi mais bute sur cette incapacité à anticiper sur les problèmes. La migration subsaharienne n'est pas nouvelle, cependant son traitement n'a pas été pris en compte suffisamment pour l'accompagner. Cette absence de clairvoyance et ce manque de projection dans le futur ont handicapé sérieusement le pays, l'obligeant à réévaluer en aval la situation dans une position de faiblesse.