Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Jeux de rôle

par Moncef Wafi

Mauvais concours de circonstances, destin et fatalité ou un fait divers de plus dans la grisaille de la médiocrité nationale. La mort d'une jeune parturiente dans la wilaya de Djelfa a ce quelque chose de tragi-comique sur la scène algérienne où les figurants ont cet obscur rôle de faire-valoir qui n'est mis en lumière que par une fin dramatique. Le procureur de la République près le tribunal de Aïn Oussara vient de placer cinq présumés mis en cause dans la mort de la victime sous mandat de dépôt. Est-ce suffisant ou disproportionné pour une consommation locale et nationale ? Sont-ils coupables ou eux aussi victimes ?

Dans toute cette histoire, il ne faut pas perdre de vue la famille qui a vu un des siens mourir à cause de la bêtise et de la négligence de certains acteurs persuadés qu'ils n'ont aucun compte à rendre dans cette Algérie des indigènes. Notre propos n'étant d'accuser personne, la justice s'en chargera, mais de mettre en lumière ce feu allumé par la mort d'une innocente jeune femme enceinte, partie pour accoucher dans un hôpital de l'Algérie indépendante. On pourra incriminer toutes les sages-femmes du pays, fusiller toutes les blouses blanches et envoyer au bûcher tous les aides-soignants du pays que la santé restera agonisante. C'est bien beau que le ministre envoie une commission d'enquête sur place, il est dans son rôle après tout, que des décisions fermes soient prises mais il ne faut pas oublier qu'une accoucheuse dans l'hôpital de Aïn Oussara croupit en prison actuellement parce que le médecin de garde était aux abonnés absents.

Ces cinq mis en cause ne sont que le dernier maillon de la chaîne, pour peu que la justice retienne quelques charges contre eux, alors que les véritables responsables de cette tragédie et de tant d'autres ne sont que les ministres qui se sont succédé au chevet de cette santé malade de ses gestionnaires. Comment peut-on encore éviter de parler de la gestion catastrophique et intéressée de ce secteur qui a rendu nos hôpitaux parmi les meilleurs du monde, dixit Boudiaf, le ministre sortant ? Une anecdote dans un océan de larmes et de souffrances qui trahit cette légèreté dans la vision sphérique et la prise décisionnelle de nos décideurs.

De là à dire que tout est pourri, il y a une marge assurée par des professionnels intègres qui se battent jour et nuit pour sauver des vies. Le rideau n'est pas encore baissé sur cette scène où on s'attend à des rebondissements.