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Un sursis de cinq ans

par Moncef Wafi

Il aura fallu voir la réaction des Algériens à l'élection de Macron pour connaître l'intérêt que portent nos compatriotes à l'identité du nouveau locataire de l'Élysée. En effet, si la présidentielle française est une affaire purement interne, elle n'en concerne pas moins les Algériens. Si Macron est l'ami de l'Algérie, pour paraphraser Lamamra, dans la mémoire populaire, l'arrivée de Le Pen au pouvoir est considérée comme une menace directe sur la libre circulation, entendre l'obtention du visa Schengen, pour peu que Paris se décide à rester dans le giron de l'Europe. Macron à l'Élysée n'est pourtant qu'un interlude qui prépare le lit d'un président ou plutôt d'une présidente issue de la mouvance de l'extrême droite pour 2022 ou probablement cinq ans plus tard. La configuration même des résultats avec les records d'abstention, de bulletins blancs et du score frontiste, suggère la fin d'une politique partisane traditionnelle et l'émergence de nouvelles forces qui peuvent séduire les Français. Après les échecs consommés de la droite et de la gauche au pouvoir, Macron fait office d'une dernière digue face aux partis d'extrême droite ou d'extrême gauche. Son succès ou sa faillite scelleront l'avenir proche de la France et définiront le nouveau visage de la gouvernance hexagonale. Macron, qui a vu son état de grâce prendre fin avec l'élimination de son adversaire, n'aura pas les coudées franches pour se mouvoir d'autant que les législatives, cruciales pour la suite de son mandat, sont dans un peu plus d'un mois. Timothy Garton Ash, le chroniqueur de The Guardian, prévient que si Macron n'arrive pas à trouver les solutions aux problèmes des Français, rappelant que « les obstacles au changement sont énormes en France », le prochain locataire de l'Élysée pourrait bien être la fille à Jean Marie. Cette dernière se projette déjà dans l'après-présidentielle puisque après sa défaite, elle a annoncé vouloir créer «une nouvelle force politique», en vue des élections législatives du mois prochain. Certaines lectures avancent «qu'elle pourrait dissoudre le parti et construire un nouveau mouvement qui ne porterait plus le nom de Front national», chargé de l'héritage idéologique de son père. En attendant, les Algériens, de chez nous ou de là-bas, ont gagné un sursis de cinq ans avant de trembler de nouveau. Mais pas seulement eux.