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Mer Morte, un sommet éponyme

par Moncef Wafi

Les pays arabes se sont retrouvés en Jordanie parce qu'il fallait bien honorer le rendez-vous annuel de la Ligue arabe. Sur fond de divergence criarde, de guerres interarabes et de conflits confessionnels et autres gentillesses du genre, les présidents et monarques arabes ont comme de coutume opposé aux urgences à l'heure arabe une unité de façade et un optimisme à surmonter tous les différends enveloppés dans de la guimauve. De l'avis de tous les spécialistes, le sommet de la mer Morte risque d'être éponyme et ressembler fort à tous ses petits frères.

Malgré les appels à l'union, même de circonstance, les avis sont tranchés quant à la stérilité de telles dates qui n'ont guère brillé par des décisions cruciales pour le monde arabe. «Ce sommet ne sera pas différent des précédents. L'ordre dans le monde arabe est faible, divisé et souffre de dysfonctionnements depuis de longues années». La déclaration de Oraib Rantawi, directeur du Centre Al-Quds pour les études politiques, résume superbement cet état d'esprit qui ne sera certainement pas démenti lors de cette rencontre. Et pour cause, les dirigeants arabes ont décidé de zapper tous les sujets qui fâchent à commencer par la Syrie, en passant par la Libye pour finir avec le Yémen. Trois dossiers à fort taux de mortalité civile qui minent durablement la paix et l'union arabe. Tout le monde s'accorde qu'il faut trouver des réponses à ces questions, mais même arrivé à cette conclusion, c'est pour la mauvaise raison qu'on y consent.

En effet, le roi de Jordanie, Abdallah II, a appelé à justement trouver ces solutions pas pour apaiser les conflits mais pour éviter «les ingérences étrangères dans nos affaires». C'est dire le grand écart qui existe toujours dans les mentalités arabes plus tournées vers le regard extérieur qu'une introspection intimiste. Abdallah II craindrait-il la présence de hauts représentants américains, russes et européens à ce rendez-vous ? Ces puissances attendent certainement un signal fort particulièrement en direction du conflit syrien mais n'espèrent pas pour autant une résolution miracle qui mettrait fin à une guerre civile alimentée par les intérêts des uns et des autres. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, ne s'est pas trompé en affirmant que la division des pays arabes face à la crise syrienne « permet à d'autres d'intervenir, de créer de l'instabilité, de favoriser les conflits et (la montée en puissance) des organisations terroristes». Mais cela tout le monde le sait et y contribue.