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Le FMI vous salue bien

par Moncef Wafi

«L'économie ne se transforme pas du jour au lendemain», a décrété le chef de mission du Fonds monétaire international (FMI) en Algérie, Jean-François Dauphin, qui a expliqué que c'est un «chantier sur le long terme». Une précision de taille qui vient un peu refroidir l'ardeur du gouvernement qui avait placé la 20e session de la tripartite sous le fronton de «l'évaluation de la situation socio-économique» à la lumière du «Modèle de croissance économique adopté en juillet 2016» comme indiqué par le Premier ministre Sellal dans son discours inaugural du rendez-vous de Annaba.

L'explication de texte du représentant du FMI vaut pour un bémol dans le discours optimiste du gouvernement qui voyait déjà dans cette révolution économique, construite sur la diversification de segments porteurs, à haute plus-value ouvrière, la solution de rechange à la dépendance aux recettes des hydrocarbures. La mission du FMI a néanmoins salué la volonté de l'Algérie à s'engager dans la voie des réformes économiques en vue d'une croissance pérenne loin des fluctuations de la mercuriale pétrolière. Pour l'institution dirigée par Christine Lagarde, le pays est sur la bonne voie notamment en ce qui concerne le marché de l'emploi qui a «plutôt bien résisté au contre-choc pétrolier», si l'on croit son analyse.

Les chiffres et prévisions du FMI pour l'Algérie de la croissance ou de l'inflation sont apparemment bons, puisque repris par l'agence de presse officielle sans trop de commentaires, mais à y voir de plus près, on a cette fâcheuse impression qu'il y a comme un décalage entre le tableau dressé par le FMI et la réalité algérienne. Un discours officiel en total déphasage avec le quotidien des Algériens. Des chiffres et des statistiques ésotériques, la plupart du temps pour le commun des citoyens, sont battus en brèche par les prix des produits de première nécessité, rattrapés par les vagues incessantes des boat-people en partance vers un ailleurs souvent hypothétique et mis à mal par les manifestations de rue, les sit-in et les émeutes sporadiques qui secouent le pays.

Les Algériens ne reconnaissent comme seule baromètre du niveau de vie que les prix du marché et quand un kilogramme d'ail vaut davantage que celui des crevettes royales, c'est que quelque chose ne tourne pas rond. On ne parle plus de banane, fruit exotique par excellence, dont on peut se passer pour peu qu'on ait un peu de bon sens et beaucoup de factures à payer, on parle là d'ail indispensable à la cuisine algérienne et qui a atteint les 1.800 DA le kilo, c'est dire. Et le fait même que le FMI salue le parcours du pays sur cette voie improbable suffit à alimenter la suspicion populaire quand on sait tout le bien que veut le Fonds aux pays du tiers-monde.